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Restitution de restes humains : réparer les erreurs du passé

Les nations n’ont rien à redouter à regarder en face leur passé, bien au contraire. Le récit publié dans Le Monde le 8 août et consacré au sort des restes d’Amérindiens de Guyane conservés dans les réserves du Musée de l’homme pendant plus d’un siècle en témoigne. Montrés dans des zoos humains de sinistre mémoire, ces Amérindiens étaient morts de froid à Paris en 1892. Leurs restes s’étaient retrouvés ensuite dans les collections françaises, où ils étaient tombés dans l’oubli. Le travail de mémoire de leurs descendants, la lucidité de scientifiques et la clairvoyance des législateurs sont en passe de les en tirer.

A la suite de travaux opiniâtres conduits par des élus de tous bords au Sénat sous l’égide de la sénatrice centriste de la Seine-Maritime Catherine Morin-Desailly, à l’origine déjà de la restitution de têtes maories conservées dans des musées de l’Hexagone, un pas décisif a en effet été franchi le 13 juin. Il devrait permettre à la France de rattraper un retard regrettable. A l’unanimité, le Sénat a en effet adopté en première lecture, en concertation avec la ministre de la culture, Rima Abdul Malak, un cadre législatif permettant de faciliter cet indispensable travail de réparation des dégâts de l’époque coloniale.

Parce que ces restes sont juridiquement des pièces de collection et donc inaliénables, chaque restitution implique jusqu’à présent le vote par le Parlement d’une loi ad hoc. Un véritable obstacle, alors que les demandes provenant de pays étrangers concernés pourraient se multiplier. Au terme de ce processus législatif, à condition qu’elles répondent à des critères strictement définis, ces restitutions d’Etat à Etat seront validées par un simple décret.

D’inévitables angles morts

Comme ce cadre ne concernait initialement que les restes humains étrangers, la commission de la culture du Sénat a ajouté une disposition qui devrait permettre de l’élargir aux restes humains provenant des territoires ultramarins. Et donc de répondre au problème douloureux posé par les restes amérindiens de Guyane.

Cette avancée crée des devoirs pour l’Etat. Le long et difficile travail de recensement qu’elle implique dans l’ensemble des musées de France suppose des moyens humains qui dépassent de beaucoup les forces actuelles, incapables en l’état de procéder dans des délais raisonnables à ce récolement et aux identifications nécessaires. Les réserves du Muséum national d’histoire naturelle recèlent en effet plus de 23 000 restes humains, qu’il s’agisse de squelettes complets ou de pièces individuelles, notamment de crânes. Ces restes sont originaires pour 7 % d’entre eux du continent africain et pour 5 % de territoires ultramarins.

Même élargie à ces derniers restes, la proposition de loi n’est pas à même de répondre à tous les défis. L’un de ses artisans au Sénat, le sénateur communiste des Hauts-de-Seine Pierre Ouzoulias, a ainsi rappelé au cours des débats celui que pose le squelette longtemps exposé comme un trophée du jeune assassin du général Jean-Baptiste Kléber en Egypte, Soleyman El-Halebi, condamné au supplice du pal, et qui n’a fait jusqu’à ce jour l’objet d’aucune demande de restitution. En dépit de ces inévitables angles morts, on ne peut que saluer cette avancée qui tire les leçons de l’évolution des réflexions éthiques sur le statut des corps humains post mortem et sur le respect de leur dignité. Elle constituera une forme de réparation due aux descendants des victimes des zoos humains.

Le Monde

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