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L’insubmersible radeau des fourmis pour faire face aux inondations

Un radeau de fourmis de feu flottant en Caroline du Nord, après l’inondation de leur fourmilière.

Les fourmis de feu, Solenopsis invicta, sont connues pour plusieurs raisons. Leur surnom, d’abord, vient de leur venin et de leur piqûre douloureuse, qui en font de redoutables envahisseuses. Une étude de 1990 décrit un effondrement du nombre d’espèces de fourmis de 70 % sur les territoires colonisés. Originaires d’Amérique du Sud, ces insectes de moins de 5 millimètres ont conquis les Etats-Unis, l’Australie et la Chine depuis les années 1930, et sont considérés comme des espèces invasives en Europe depuis 2014.

Depuis 2011, c’est pour leurs talents de « physiciennes » que ces fourmis font parler d’elles. Pour survivre aux inondations, elles forment avec leurs propres corps des radeaux qui flottent et se dispersent dès qu’elles retrouvent la terre ferme.

En 2022, l’équipe de David Hu, à l’Institut de technologie de Géorgie, à Atlanta, a formulé une hypothèse pour expliquer cette construction. Les fourmis sont plus paresseuses que travailleuses : le radeau se forme tout seul. A la manière de flocons de céréales flottant sur un bol de lait, les fourmis se rapprochent par un effet baptisé « Cheerios » en 2005, du nom d’une marque de céréales. Il est dû au jeu complexe entre la gravitation qui tend à faire couler les objets, la poussée d’Archimède qui les fait remonter, et la tension superficielle, une force qui tient les molécules à la surface d’un liquide. La déformation de la surface induite par les objets pesants tend à les rapprocher les uns des autres. Céréales comme fourmis. Ensuite, par leurs mandibules, ces dernières s’accrochent aux pattes de leurs congénères, comme l’avaient montré des clichés spectaculaires de l’équipe de David Hu en 2011, la première à avoir étudié ces radeaux.

Sous l’effet du stress

« Quand nous avons entendu exposer cette théorie, en 2022, nous n’y avons pas cru », explique Tzay-Ming Hong, professeur à l’université Tsing Hua (Taïwan), qui publie, dans Physical Review E du 9 janvier, une autre explication, doublée de mesures mécaniques originales sur la solidité du radeau. Pour « couler » l’effet Cheerios, l’équipe a tenté plusieurs expériences. Des fourmis mortes jetées à l’eau ne se rassemblent pas spontanément. Une autre espèce, Monomorium chinense, ne forme pas de radeau. A l’inverse, des fourmis de feu placées dans un conteneur sec agité verticalement ou horizontalement s’organisent « en radeau » sous l’effet de ce stress. Enfin, un radeau déposé sur une surface sèche ne se disloque pas immédiatement, malgré la disparition des forces de tension de surface. En dépit de ces résultats, David Hu maintient sa position : « Il y a un effet combiné de l’effet Cheerios et du mouvement des fourmis. »

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