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Comment des expressions issues de l’extrême droite comme « grand remplacement » ou « Français de papier » se sont glissées dans le débat public

La présidente du groupe Rassemblement national, Marine Le Pen, suivie du secrétaire général du groupe, Renaud Labaye, et du député RN Bruno Bilde, à l’Assemblée nationale, le 19 décembre 2023.

Ce sont des expressions qui déshumanisent, suscitent la peur ou abaissent au rang de citoyen de seconde zone : « grand remplacement », « Français de papier », « ensauvagement »… Marginales il y a quelques années, elles se sont progressivement propagées dans le débat public, jusqu’à se retrouver dans la bouche de personnalités politiques de la droite dite républicaine, voire de gauche.

Les théories qui les sous-tendent, marquées idéologiquement à l’extrême droite, se diffusent et ouvrent un peu plus chaque jour la fenêtre d’Overton, un concept définissant le périmètre de ce qui peut être dit au sein d’une société.

Pour la sémiologue Mariette Darrigrand, cofondatrice de l’Observatoire des mots, il incombe aux responsables politiques de droite comme de gauche de se demander « qui a dit ça en premier ».

« Grand remplacement »

Le concept d’extrême droite. L’idée d’un péril existentiel pour la population blanche et chrétienne existe de longue date, depuis les croisades jusqu’à la révolution haïtienne. A la fin du XIXe siècle, les milieux ultranationalistes parlent déjà d’« évictionnisme », théorie selon laquelle les Noirs des colonies françaises et leurs descendants chercheraient à évincer les blancs de leurs postes à privilège (propriété terrienne, charge électorale, etc.).

En 2010, l’essayiste d’extrême droite Renaud Camus reprend cette idée, sous un prisme démographique. Il forge l’expression « grand remplacement », qu’il décrit dans son livre du même nom, en 2011, comme « le remplacement d’un peuple, le peuple français indigène, par un ou plusieurs autres ; celui de sa culture par la déculturation multiculturaliste ; celui de sa civilisation si brillante et admirée par la décivilisation pluriethnique (le village global) ». Cette thèse raciste se double de relents complotistes : ce remplacement serait orchestré par des élites mondialistes pour affaiblir la France.

Lire notre enquête (2022) : Article réservé à nos abonnés Le « grand remplacement », généalogie d’un complotisme caméléon

Cette élucubration essentialiste et paranoïaque a inspiré les auteurs des tueries suprémacistes de Christchurch (Nouvelle-Zélande, 2019) et de Buffalo (Etats-Unis, 2022). Tous deux ont justifié leur geste en se référant à la théorie du « grand remplacement ». Renaud Camus a publiquement condamné l’attentat de Christchurch.

Sur la scène politique française, le concept a été repris par Robert Ménard en 2016. Le maire de Béziers, proche du Rassemblement national (RN), a invité à analyser des photos de classe des écoles pour visualiser « l’invasion migratoire ». Eric Zemmour a aussi repris l’idée lors de la campagne présidentielle de 2022, dénonçant « un peuple qui remplace un autre dans d’innombrables endroits, qui tiers-mondise le pays », tout en agitant des chiffres erronés.

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