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« Les approches extrémistes du judaïsme et du christianisme créent des absolus qui excluent »

Bluma Finkelstein est une voix qui compte. Agée de 81 ans, cette professeure émérite de littérature comparée à l’université de Haïfa, en Israël, a publié une cinquantaine d’ouvrages au long de sa vie, essentiellement des recueils de poésie. Distinguée par de nombreux prix, l’écrivaine née en Roumanie et qui a émigré en Israël à 21 ans revient avec un essai, Judaïsme et christianisme. Deux religions contradictoires (Le Bord de l’eau, 180 pages, 18 euros), où elle s’en prend aux approches absolutistes de ces religions, en particulier représentées, selon elle, par l’ancien pape Benoît XVI (1927-2022) et le philosophe juif Yeshayahou Leibowitz (1903-1994). Elle entend ainsi jeter les bases d’un nouveau dialogue judéo-chrétien.

Pourquoi avez-vous souhaité écrire cet essai sur les impasses du dialogue entre judaïsme et christianisme ?

Bluma Finkelstein : En tant qu’écrivaine, je voulais analyser les mots choisis quand l’un parle de la religion de l’autre, et la façon dont ceux-ci peuvent annihiler une foi différente. Personne, ni les juifs ni les chrétiens, ne possède la clé définitive de la compréhension de la Bible.

Pour les juifs, l’Ancien Testament n’est ni « ancien », ni « testament ». Cet ensemble constitue la Bible hébraïque qu’ils lisent à leur manière, parfois en se pensant les interprètes uniques de leur récit. Chez les chrétiens, l’Ancien Testament n’est jamais lu en tant que tel : il ne prend tout son sens qu’à travers le Nouveau Testament. Cette approche mène à une théologie de la préfiguration, ou de la substitution, qui rend le judaïsme caduc.

En quoi cette théologie annule-t-elle le judaïsme selon vous ?

Selon elle, le Christ se substitue à tout ce qui constitue le credo juif, alors que l’idée même de messie ne fait pas tant partie de l’acte de foi du judaïsme. Ainsi, par exemple, qualifier Jésus de « Moïse définitif », comme le font certains chrétiens, revient à nier le Moïse hébreu et la Loi.

C’est donc en analysant le langage qu’on peut saisir ces négations discrètes, comme lorsque le pape François expliquait, dans une catéchèse sur l’Epître aux Galates de l’apôtre Paul, prononcée le 11 août 2021 : « La Loi [la Torah] ne donne pas la vie, elle n’offre pas l’accomplissement de la promesse, car elle n’est pas dans la condition de pouvoir la réaliser. La Loi est un chemin qui te fait avancer vers la rencontre. Paul emploie un terme très important : la Loi est le “pédagogue” vers le Christ, le pédagogue vers la foi dans le Christ, c’est-à-dire le maître qui te conduit par la main à la rencontre. » Une telle déclaration montre la survivance de cette théologie de la substitution, écrasant l’Ancien Testament sous le Nouveau.

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