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A l’Attolab, dans la fabrique des attosecondes

Chambre de focalisation du faisceau laser attoseconde sur la plate-forme AttoLab du Lidyl. La chambre à vide contient un miroir de forme torique recouvert d’or, qui permet de focaliser la lumière laser de courte longueur d’onde sur un échantillon.

C’est presque là. Là, c’est le centre du CEA de l’Orme des Merisiers à Saint-Aubin (Essonne). Il y a vingt-trois ans, une découverte y a été faite, célébrée par un triple prix Nobel de physique 2023. Le 1er juin 2001, l’équipe de Pierre Agostini décrivait les impulsions lumineuses les plus brèves jamais obtenues. Le flash ne durait que 250 attosecondes, l’unité décrivant le domaine du milliardième de milliardième de seconde. A peu de chose près, il y a autant d’attosecondes dans une seconde que de secondes écoulées depuis les débuts de l’Univers, ont coutume de rappeler les spécialistes. Quelques mois plus tard, Ferenc Krausz, le deuxième nobélisé, publiait aussi ses impulsions, prémices à une série de premiers « films » capturant des phénomènes ultrarapides dans la matière. Les deux groupes n’y seraient pas parvenus sans les travaux de leur prédécesseure, également au CEA, Anne L’Huillier, troisième lauréate du Nobel.

Près d’un quart de siècle plus tard, à 5 kilomètres à vol d’oiseau du lieu des expériences historiques de Pierre Agostini, les héritiers du trio nobélisé sont toujours à pied d’œuvre. Depuis 2017 est en service l’Attolab, un équipement consacré à la production de ces flashs ultrabrefs, et surtout à leur utilisation. Pendant dix à quinze semaines par an, les canons à attosecondes sont même ouverts aux équipes extérieures. En France, trois autres centres équivalents existent, le Centre lasers intenses et applications (Celia), à Bordeaux, l’Institut lumière matière, à Lyon, et le Laboratoire d’optique appliquée, à Palaiseau (Essonne), là où Pierre Agostini a fait ses expériences.

Curieusement, la visite guidée par Thierry Ruchon, ancien postdoc d’Anne L’Huillier en Suède, ne commence pas par un feu d’artifice de lumière, mais par des balles de golf. Dans le bureau de celui qui est devenu directeur de recherche du Laboratoire interactions, dynamiques et lasers (Lidyl) au CEA, une douzaine de balles sont accrochées par des fils de pêche à un portique. Ces pendules aux longueurs variables sont une analogie de ce qu’Anne L’Huillier a observé avec des lasers. Pour nous en convaincre, Thierry Ruchon pousse en même temps l’enfilade de balles comme autant de balançoires, qui d’abord oscillent avec chacune leur période, de façon assez erratique, avant que, soudain, un ordre s’installe.

Les balles en file indienne se mettent à onduler tel un serpent. Chacun des harmoniques (ou oscillation propre des pendules) s’ajoute et crée une onde, dont les oscillations sont d’autant plus rapides que le nombre d’harmoniques est élevé. C’est justement ce qu’Anne L’Huillier a su faire avec des lasers. A partir d’une lumière invisible, proche de l’infrarouge, elle a conçu le « serpent » avec des harmoniques très élevés jusque dans l’ultraviolet ou les rayons X. Et Pierre Agostini a été le premier à « voir » et à mesurer ce serpent.

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