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« On n’a pas failli » : au premier jour du procès de « l’affaire Théo », les policiers accusés se présentent en « victimes »

Thibault de Montbrial (à gauche), l’un des avocats des trois policiers accusés de « violences volontaires aggravées » lors de l’interpellation de Théodore Luhaka en 2017, à son arrivée au palais de justice de Bobigny, le 9 janvier 2024.

Ils n’étaient jusqu’alors que trois uniformes vus de loin, trois silhouettes que les caméras de vidéosurveillance d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) avaient filmées en train d’agripper, de frapper, de matraquer, de gazer, de menotter, puis de frapper et de gazer encore Théodore Luhaka lors d’un contrôle d’identité qui avait dégénéré, le 2 février 2017, et dont le jeune homme, 22 ans à l’époque, s’était sorti avec une grave blessure à l’anus qui le suivra toute sa vie. Les trois uniformes sont devenus des visages, des corps, des voix, ce mardi 9 janvier, et l’on a découvert les existences qui se cachent dessous, au premier jour du procès de l’affaire Théo, devant la cour d’assises de la Seine-Saint-Denis, à Bobigny.

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Les chaises de Tony Hochart, Jérémie Dulin et Marc-Antoine Castelain, alignées face à la cour et aux jurés, se touchent presque. Les trois accusés semblent se serrer les coudes devant ceux qui vont les juger jusqu’au 19 janvier pour « violences volontaires aggravées ». Dans la salle, deux blocs : sur les bancs de gauche, Théodore Luhaka, sa famille et ses soutiens – parmi lesquels le producteur de musique Michel Zecler, violemment interpellé par des policiers en 2020 à Paris, et la mère de Nahel M., tué en juin 2023 par un policier à Nanterre. Sur les bancs de droite, de nombreux agents en civil, solidaires des collègues accusés.

L’interrogatoire des trois policiers sur le fond de l’affaire – les différents gestes violents qui leur sont reprochés – aura lieu la semaine du 15 janvier. La première journée d’audience est consacrée à l’étude de leurs parcours, de leurs personnalités, de leurs situations actuelles.

« Ce coup était réglementaire et légitime »

Après avoir retracé l’enquête, la présidente de la cour, Caroline Jadis-Pomeau, propose aux accusés de livrer une première réaction. Le benjamin du trio, Tony Hochart, 31 ans, rattrapé par le stress, bredouille une phrase incompréhensible. Jérémie Dulin, le doyen (42 ans), n’a rien à dire. Ces deux-là sont accusés d’avoir frappé Théodore Luhaka alors qu’il était au sol et maîtrisé. Marc-Antoine Castelain, 34 ans, lui, a infligé le coup de matraque ayant gravement blessé Théo. Et il souhaite parler.

« Je suis intervenu pour dégager mon collègue dans une situation très délicate, dans le cadre d’une interpellation très difficile, face à un individu qui se rebellait, commence-t-il d’un ton calme. J’ai utilisé un coup qui m’a été enseigné à l’école, j’estime que ce coup était réglementaire et légitime. Bien sûr, la blessure est désolante, j’en ai conscience et j’y pense tous les jours. C’est une blessure grave, et, si vous me le permettez, madame la présidente, je souhaiterais renouveler ma plus profonde… » Il cherche une seconde le mot qui soudain lui échappe. « Ma plus profonde compassion à l’égard de M. Luhaka », reprend-il. Puis, se retournant vers le jeune homme assis dans son dos : « Je suis vraiment très compatissant à votre égard, monsieur. »

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