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Sabine Barles, urbaniste : « Le dispositif de récupération des biodéchets est un miroir aux alouettes »

Alors que la loi impose désormais aux collectivités d’organiser le tri des biodéchets à la source, la professeure d’urbanisme et d’aménagement à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne et historienne des techniques et de l’environnement retrace l’évolution de la gestion des matières organiques dans les villes au cours des derniers siècles et défend une stratégie de diminution des biodéchets ainsi que la création d’une véritable filière structurée de valorisation agricole. Sabine Barles est notamment l’autrice de L’Invention des déchets urbains. France 1790-1970 (Champ Vallon, 2005) et de Métabolisme et métropole (avec Marc Dumont, Autrement, 2021).

Avant le XXe siècle, le déchet ménager tel qu’on le conçoit aujourd’hui n’existe pas. De quelle façon notre perception a-t-elle évolué à son sujet ?

Jusqu’au tournant du XXe siècle, le mot « déchet » n’est pas employé pour désigner les matières organiques, tout simplement parce que ces résidus – épluchures, os, excréments… – sont considérés comme très utiles, notamment pour l’agriculture, où ils servent d’engrais. On les appelle boues, ordures (du latin horridus, qui veut dire « horrible »), ou immondices (du latin immunditia, « saleté »), ce qui n’empêche pas de les valoriser.

Le mot déchet (qui vient du verbe choir) désigne, au contraire, ce qu’on n’utilise pas dans la fabrication ou la transformation d’un objet, comme les chutes de tissu lors de la confection d’un vêtement.

Peut-on parler d’une société « zéro déchet » à cette époque ?

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, il y a, en effet, très peu de résidus, surtout en hiver, où l’on consomme peu de légumes et pas de fruits. Les citadins consomment une grande partie de ce que nous jugeons aujourd’hui non comestible, ou l’utilisent pour nourrir les animaux – chiens, chats, mais aussi poules ou lapins – qui cohabitent avec les humains dans les immeubles. Ce qui reste est déposé dans la rue, avec les excréments des vaches et des chevaux qui y circulent.

Les citadins ont une obligation de balayage et doivent constituer des tas de boue dans lesquels les chiffonniers récupèrent ce qui peut leur servir. Les boues sont ensuite évacuées par les employés de la ville ou directement par les paysans, pour fertiliser les terres des alentours. Elles vont progressivement acquérir une valeur marchande. A la fin du XVIIIsiècle, avec la croissance de la population urbaine et la crainte de pénurie alimentaire, les paysans qui approvisionnent les villes ont besoin de ces engrais et sont de plus en plus souvent contraints de les payer.

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