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« Dans l’enseignement supérieur, face à la loi sur l’immigration, les missions contre les discriminations ont-elles encore un sens ? »

A l’échelle internationale, les universités développent des politiques inclusives, résumées sous un projet qui tient en trois mots : égalité, diversité, inclusion. En France, depuis 2013, les universités ont obligation de créer des missions pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Elargissant cette obligation, la majorité d’entre elles contient dans son périmètre la lutte contre les discriminations au même titre que la lutte contre les violences sexuelles et sexistes ou encore le harcèlement.

L’adoption de la « loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » du 19 décembre 2023 nous interroge quant à la pertinence de nos missions. La présidence d’une université ou la direction d’une grande école peuvent-elles encore nommer des collègues pour mettre en place des politiques d’égalité et de lutte contre les discriminations, alors même qu’une loi instaure des inégalités de traitement de la communauté étudiante selon le critère de la nationalité ?

Comment pouvons-nous répondre aux exigences contradictoires d’un gouvernement qui nous demande de travailler à l’inclusion, de formaliser et de mettre en place des plans d’action pour l’égalité, d’instituer et de faire fonctionner des dispositifs d’écoute et de signalement des faits de violence, de discrimination et de harcèlement et qui, dans le même temps, instaure une loi qui fragilise nos étudiantes et nos étudiants les plus vulnérables ?

Une rupture d’égalité choquante

Comment pouvons-nous encore simplement parler d’égalité et de non-discrimination, lutter pied à pied contre le racisme et l’antisémitisme (comme nous l’avons fait lors de nos dernières rencontres à Nanterre, les 7 et 8 décembre 2023), nous engager dans la conception et la mise en œuvre d’une politique d’égalité ambitieuse, auprès d’étudiantes et d’étudiants à qui la loi indique clairement qu’ils et elles sont objets de suspicion ?

Outre la perte de confiance dans nos institutions, nos étudiantes et étudiants étrangers vont vivre dans l’inquiétude et dans la crainte, en raison de la fragilisation du droit au séjour induite par la loi. Et nous n’oublions pas que ces sentiments touchent aussi nos collègues, ainsi que les personnels administratifs et techniques étrangers, qui font fonctionner nos établissements d’enseignement supérieur et de la recherche sur la base de contrats à durée déterminée, et qui vont, tous et toutes, se retrouver encore plus fragilisés selon la nature de leur contrat, la durée de séjour, etc.

Cette rupture d’égalité est proprement choquante et va à l’encontre de toutes les incitations à faire de nos campus des espaces protecteurs et protégés où l’hospitalité, la confiance et la bienveillance guident nos interactions. Notre présence sur le terrain des universités et des grandes écoles fait de nous des témoins directs des difficultés rencontrées par les étudiantes et les étudiants étrangers, malgré les mesures prises par les établissements pour les accueillir dignement et leur offrir une totale égalité de traitement.

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