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Mort de Thomas à Crépol : le grand emballement

Le discours a duré à peine une minute. Chaque mot a été pesé. Cet après-midi du 28 novembre, en ouverture de séance, Yaël Braun-Pivet, la présidente de l’Assemblée nationale, a le ton grave. « Dans la nuit du 18 au 19 novembre, commence-t-elle, est survenu un drame qui endeuille et choque notre pays tout entier, plongeant chacun d’entre nous dans une infinie tristesse. Thomas, 16 ans, a été poignardé à mort. (…) Un déchaînement de violence a fait basculer une commune française dans l’horreur et je veux dire au nom de la représentation nationale toute notre solidarité de cœur et d’esprit devant cette tragédie. » Avant d’inviter les députés à observer une minute de silence, elle souligne qu’« il importe que justice soit rendue et la justice n’est ni la vengeance ni la vindicte ». Tous les élus se lèvent. Le moment de recueillement semble consensuel. Du moins en apparence.

Le matin même du 28 novembre, Emmanuelle Anthoine, la députée (Les Républicains) de la quatrième circonscription de la Drôme – où se trouve Crépol, le village du drame –, est dans un train entre Valence et Paris quand elle apprend la décision de Yaël Braun-Pivet. Elle éprouve un mélange de soulagement et de regret. « Je me suis dit : “Enfin !” Elle aurait dû avoir lieu un peu plus tôt, cette minute de silence. » La députée avait « très mal vécu » le fait que celle pour Nahel, tué par un policier fin juin, ait été décidée « aussi rapidement », dès le lendemain de sa mort.

Une semaine plus tôt, le 21 novembre, lors des questions au gouvernement, Emmanuelle Anthoine avait regretté l’absence d’hommage rendu au jeune homme à l’Assemblée nationale et adressé un message de soutien à la famille. Ses collègues s’étaient levés pour applaudir longuement. Le ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti, avait salué dans la foulée son « sens de la mesure », et convenu : « La vie enlevée à ce gosse de 16 ans méritait à l’évidence un moment de silence et de recueillement. » Puis avait ajouté : « Or, c’est un moment de polémique qui s’y est immédiatement substitué. »

« Une démocratie de l’émotion »

Dans un courrier adressé à la présidente de l’Assemblée nationale, trois jours plus tard, Eric Ciotti, patron des Républicains, revient à la charge et demande, « avec gravité », une minute de silence, eu égard à l’« immense émotion au sein d’un peuple qui ne s’habitue pas à la réitération de tant de violence ». Il faudra finalement la même requête, formulée, cette fois, par le patron du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, Sylvain Maillard, pour que Yaël Braun-Pivet y consente. Laisser s’installer l’idée d’un pouvoir parisien insensible aux drames qui ébranlent les campagnes était beaucoup trop risqué politiquement. Et tant pis si quelques élus de gauche déplorent, en off, « une démocratie de l’émotion ».

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