Close

Denis Pelletier, historien : « L’engagement chrétien de Jacques Delors lui a permis de construire les réseaux qui ont soutenu son action »

Profondément laïc, Jacques Delors a toujours dissocié sa foi de son engagement politique. Mais il n’a jamais renié ce qu’il devait à son appartenance catholique. Né en 1925, élevé par une mère pratiquante, c’est au patronage qu’il a découvert le football, le basket et les colonies de vacances, avant de militer, dès 14 ans, à la Jeunesse ouvrière chrétienne. Il appartient à une génération formée par l’éducation populaire catholique – on parlait alors de l’Action catholique spécialisée – avec ses différents mouvements, ouvriers, paysans et étudiants, auxquels il resta attaché sa vie durant.

En témoigne, par exemple, son amitié durable avec Michel Debatisse, ancien leader de la Jeunesse agricole catholique devenu ensuite une figure centrale du syndicalisme agricole et de la droite. Jacques Delors a construit son itinéraire à la rencontre entre le catholicisme social, dont il était issu, et la social-démocratie, qu’il découvrait sur le terrain français et européen.

C’est au syndicalisme chrétien qu’il doit sa formation à l’action publique. Employé à la Banque de France, il entra à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) en 1950. Dès 1952, il y fut membre du groupe minoritaire Reconstruction, organisé autour du philosophe Paul Vignaux, fondateur du Syndicat général de l’éducation nationale, du métallo Charles Savouillan et d’Albert Detraz, responsable de la Fédération du bâtiment. Reconstruction militait pour la déconfessionnalisation de la CFTC, c’est-à-dire pour l’autonomie à l’égard de l’Eglise et l’ouverture du syndicat aux non-chrétiens. C’est ce courant qui, devenu majoritaire en 1961 sous la direction d’Eugène Descamps, fut à l’origine de la transformation de la CFTC en CFDT en 1964.

Lire aussi la nécrologie : Article réservé à nos abonnés La mort de Jacques Delors, un grand d’Europe

Membre du Bureau d’études de la CFTC à partir de 1957, Delors a vécu de près ce processus. De son expérience syndicale, il a gardé des réseaux qui lui furent précieux, mais aussi une certaine conception de la réforme, de la justice sociale et du refus des postures idéologiques. Reconstruction fut notamment un des premiers lieux où l’on s’efforça de penser le rôle du dialogue social dans la réforme de l’entreprise, et celui du progrès technologique dans la transformation de la société et du rapport au travail.

Aventure syndicale

Jacques Delors aurait donc pu faire une carrière de syndicaliste. Entré au Mouvement républicain populaire (MRP) en 1945, il le quitta après quelques mois, déçu par la droitisation rapide du mouvement et par une culture qu’il jugeait trop confessionnelle. Deux expériences l’ont ensuite ramené vers la politique. La première fut son adhésion, en 1953, à La Jeune République. Fondé en 1912 par Marc Sangnier, ce petit parti était porteur d’une conception laïque de l’engagement chrétien au centre gauche.

Il vous reste 55% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

source

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 Comments
scroll to top