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Niger : des dizaines de milliers de partisans de la junte rassemblés à Niamey quelques heures avant l’expiration de l’ultimatum de la Cedeao

Des partisans de la junte qui a renversé le président élu au Niger rassemblés dans un stade de Niamey, le 6 août 2023.

La pression de la communauté internationale continue de s’accentuer dimanche 6 août sur les putschistes qui ont pris le pouvoir au Niger le 26 juillet. Dans quelques heures, l’ultimatum de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) prendra fin ; celle-ci se dit prête à intervenir militairement dans ce pays. Le 30 juillet, elle avait donné sept jours à la junte pour rétablir le président Mohamed Bazoum dans ses fonctions, sous peine d’utiliser « la force ».

Dimanche soir, la situation n’était toutefois pas en passe de se démêler. Près de 30 000 partisans du coup d’Etat militaire se sont rassemblés dans un stade de Niamey, ont constaté des journalistes de l’Agence France-Presse (AFP). Une délégation de membres du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP, qui a pris le pouvoir) est arrivée dans le stade sous les acclamations de ses soutiens, dont plusieurs arboraient des drapeaux russes et des portraits de dirigeants du CNSP.

Ce stade, le plus grand du Niger et qui porte le nom de Seyni Kountché, auteur du premier coup d’Etat au Niger en 1974, était presque rempli et l’atmosphère y était festive, a-t-on constaté. Le général Mohamed Toumba, un des dirigeants du CNSP, a pris la parole devant la foule pour dénoncer ceux « qui sont tapis dans l’ombre » et qui « sont en train de manigancer la subversion » contre « la marche en avant du Niger »« Nous sommes au courant de leur plan machiavélique », a-t-il dit.

L’ultimatum de la Cedeao arrive à échéance et pour l’heure, les généraux qui ont pris le pouvoir le 26 juillet à Niamey n’ont montré aucune volonté de céder la place. Les contours de la force pour une possible intervention militaire ont été « définis » vendredi par les chefs d’état-major de la Cedeao et certaines armées, comme celles du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, se sont dites prêtes à y participer. A Paris, le ministère des affaires étrangères français a dit appuyer « avec fermeté et détermination » les efforts de la Cedeao pour faire échouer la tentative de putsch. « Il y va de l’avenir du Niger et de la stabilité de toute la région. »

Le « coup d’Etat de trop »

Au Niger, des rassemblements de soutien aux putschistes ont déjà eu lieu à travers tout le pays, vendredi et samedi, ont rapporté la télévision nationale et des journalistes locaux. A Paris, une trentaine de personnes ont manifesté leur soutien à M. Bazoum, parmi lesquelles son premier ministre, Ouhoumoudou Mahamadou.

« Je reste optimiste parce que je sais combien les Nigériens tiennent à la démocratie et à la stabilité de leur pays. Un dénouement heureux est encore possible. Comme vous le savez, dans toute négociation, tout peut se produire tant qu’on n’arrive pas à la fin du délai fixé. Les dernières minutes sont cruciales », a-t-il dit, auprès du Monde, assurant que le président Bazoum est en « très bonne santé ». Depuis la capitale française, Ouhoumoudou Mahamadou préfère croire à des discussions fructueuses entre toutes les parties : « Tant que l’ultimatum n’est pas arrivé à son terme, il y a encore un espoir. »

Le premier ministre nigérien, Ouhoumoudou Mahamadou, durant un entretien avec la presse internationale à Paris, en France, le 5 août 2023.

Pourtant, plusieurs armées ouest-africaines, dont celle du Sénégal, se sont dites prêtes à envoyer des soldats. Une source proche de la délégation ivoirienne à Abuja a également évoqué un envoi de troupes, sans préciser le nombre éventuel d’hommes mobilisés. La cheffe de la diplomatie française, Catherine Colonna, a affirmé, samedi matin sur Franceinfo, qu’il fallait « prendre très au sérieux la menace de recours à une intervention » de la Cedeao. Dans une autre interview à RFI, radio dont la diffusion a été interrompue au Niger, elle a estimé qu’il s’agissait du « coup d’Etat de trop », après ceux, ces dernières années, au Mali et au Burkina Faso.

Son collègue des armées, Sébastien Lecornu, a assuré à l’AFP que Paris savait que « la situation était fragile au Niger ». « Ce qui peut surprendre, c’est que le déclencheur de ce coup d’Etat [prenne sa source dans] un différend personnel » entre le général Abdouharamane Tiani, chef des putschistes et de la garde présidentielle, et le président Bazoum, a-t-il ajouté.

Le Mali et le Burkina Faso au soutien du Niger

Au Mali et au Burkina Faso, confrontés à la violence djihadiste comme le Niger, les militaires putschistes ont prévenu qu’ils seraient solidaires de leur voisin et que toute intervention militaire serait considérée comme « une déclaration de guerre » à leur encontre.

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Au Nigeria, où le président Bola Tinubu a haussé le ton contre la junte nigérienne, des voix se font entendre contre une intervention. « Les victimes seront des citoyens innocents qui vaquent à leurs occupations quotidiennes », a déclaré le Forum des sénateurs du nord dans un communiqué signé par son porte-parole, Suleiman Kawu Sumaila, ajoutant que les habitants du nord du pays, seraient « affectés négativement ».

« Nous refusons catégoriquement toute intervention militaire », a également réagi le président algérien Abdelmadjid Tebboune, assurant qu’une intervention militaire au Niger serait « une menace directe pour l’Algérie ». « Deux pays [le Mali et le Burkina Faso] sont prêts à entrer dans la bataille », a-t-il rappelé lors d’une interview télévisée, prévenant que dans le cas d’une intervention militaire « tout le Sahel s’embrasera ».

Les putschistes promettent une « riposte immédiate »

Les putschistes de Niamey ont de leur côté promis une « riposte immédiate » à « toute agression ». La solution diplomatique continue toujours d’être privilégiée selon Abdel-Fatau Musah, le commissaire chargé des affaires politiques et de la sécurité de la Cedeao, rejoint sur ce point par le Bénin, pays voisin du Niger et membre de l’organisation régionale. Plusieurs chancelleries occidentales ont également prôné le dialogue, notamment l’Allemagne qui a appelé à poursuivre les « efforts de médiation ».

Les relations entre la junte au Niger et l’ancienne puissance coloniale française se sont dégradées ces derniers jours. Les putschistes ont dénoncé jeudi soir des accords de coopération dans le domaine de la sécurité et de la défense avec la France, qui déploie au Niger un contingent militaire de 1 500 soldats pour la lutte antiterroriste.

A Niamey, des « brigades de veille » citoyennes ont été mises en place sur plusieurs ronds-points de Niamey pour « surveiller la menace extérieure ». Dans un décret lu jeudi soir à la télévision, la junte avait appelé « la population à la vigilance à l’égard des espions et des forces armées étrangères », et invité les citoyens à transmettre aux autorités « toute information relative à l’entrée ou au mouvement d’individus suspects ».

Le Monde avec AFP

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