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L’odyssée de la langue, cet organe singulier

Un brillant fer-de-lance mâle, à Chiriqui Highlands (Panama), en juillet 2019.

La sortie des eaux, ou plutôt les sorties de l’eau. Dans l’imaginaire collectif, les pionniers à quatre pattes qui se sont aventurés sur l’inconnu terrestre, à l’ère des poissons rois, ont dû compter sur une innovation de taille : les poumons.

On oublie souvent cette autre invention de l’évolution, peut-être parce qu’elle se dissimule dans la bouche : la langue. Il fallait pouvoir respirer hors de l’eau, certes, mais il fallait aussi s’y nourrir – dans l’eau, les poissons n’ont pas besoin de langue pour avaler. Un fameux défi, l’air de rien.

Il y a 365 millions d’années, au dévonien, les premiers tétrapodes vivaient encore dans leurs cocons aquatiques. Leurs quatre pattes, en ce temps-là, étaient inaptes à la locomotion au sol ; ils restaient aussi inféodés à l’eau pour la reproduction et pour le développement de leurs œufs.

Mais au cours des dix millions à quinze millions d’années qui ont suivi, ils ont peu à peu acquis la capacité à se mouvoir au sol. Dès lors, la conquête des continents pouvait commencer – ou plutôt, le « processus de terrestrialisation », un terme moins anthropocentrique.

« Si les tétrapodes ont pu s’établir sur les continents, c’est que des arthropodes et des plantes s’y étaient déjà installés », raconte Jean Goedert, paléontologue au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), à Paris. Il y a environ 419 millions d’années, des végétaux ont développé des racines et des tiges, et sont devenus capables de s’implanter sur les continents. Les premières forêts, formées de fougères arborescentes et d’arbres géants, sont apparues vers 400 millions d’années. Quand les tétrapodes se sont hissés sur terre, il y a 350 millions d’années, elles étaient déjà peuplées d’une foule d’insectes, d’acariens, de crustacés et de myriapodes.

Sur les continents, ils ont donc trouvé un buffet bien garni ; et ils n’étaient plus menacés par leurs prédateurs marins. « Ces tétrapodes ont donné naissance à une lignée évolutive particulièrement florissante, puisqu’elle comprend tous les reptiles (dont les oiseaux), les amphibiens et les mammifères actuels – dont notre espèce – en passant par les dinosaures éteints », résume Jean Goedert.

Complexité musculaire

Cette arrivée en milieu terrestre a donc imposé le développement d’une langue : un organe agile, logé dans la cavité buccale et capable de transporter les aliments ingérés jusqu’à l’arrière de la gorge. Concourir à la succion, à la préhension des aliments, à la mastication et au début de déglutition : telles en furent les missions premières. Bien plus tard allaient s’ajouter ces autres mandats : contribuer à la tétée chez les mammifères et, plus tard encore, à la production de sons articulés chez les primates humains…

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