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Améliorer le référendum pour le rendre enfin « démocratiquement correct »

C’est l’un des plus anciens dispositifs de la boîte à outils démocratique, et aussi l’un des plus controversés en philosophie politique et constitutionnelle. De la revendication d’un référendum d’initiative citoyenne fédérant le mouvement des « gilets jaunes » aux tentatives infructueuses de référendum d’initiative partagée (RIP) effectuées par les opposants à la réforme des retraites, en passant par l’insistante requête, à droite et à l’extrême droite, d’un référendum sur l’immigration, les attentes sont pour le moins contrastées.

En écho, le président Emmanuel Macron a exprimé sa volonté d’assouplir l’accès au RIP, considéré jusqu’à présent comme inapplicable, tout en renonçant, faute de majorité politique, à son projet initial d’élargir le référendum aux questions de société. Ce recul témoigne du caractère hautement inflammable du sujet. « Un référendum n’est pas forcément un moment démocratique, pas plus que des élections ou l’organisation de conventions citoyennes, constate la politiste Laurence Morel, autrice de La Question du référendum (Presses de Sciences Po, 2019). Tout dépend de la façon dont on s’en sert. »

Entre les scrutins qui, en Russie ou en Turquie, ont renforcé les pouvoirs du chef de l’Etat et fait le lit de l’illibéralisme, et les référendums constitutionnels irlandais adossés à une convention de citoyens tirés au sort, les objectifs et les règles qui s’appliquent n’ont pas beaucoup en commun.

« En France, le référendum fait l’objet d’une profonde défiance, qui conduit à privilégier une conception représentative de la manière de légiférer », souligne Marthe Fatin-Rouge Stefanini, directrice de recherche au CNRS et professeure de droit constitutionnel comparé.

On lui reproche son caractère clivant, qui polarise le débat autour d’une réflexion binaire, quand les enjeux sont souvent complexes et mériteraient de la nuance, et on l’accuse de réduire les campagnes au champ de l’émotion et de privilégier l’affrontement au détriment de la délibération nécessaire en démocratie pour parvenir au compromis.

Difficilement réversible

On critique aussi sa force d’inertie, tant il est facile de fédérer autour d’un « non » des personnes qui ne partagent pas la même opinion. On s’inquiète, enfin, du risque de fragilisation du Parlement face à un exécutif s’adressant directement au peuple pour mieux contourner ses représentants.

Sans parler de son caractère difficilement réversible. « Si l’on ajoute à cela la puissance des réseaux sociaux et des campagnes de désinformation qui polluent le débat public, le référendum est assurément un faux ami », affirme le professeur de droit constitutionnel Dominique Rousseau, qui plaide plutôt pour une « démocratie continue » au sein d’assemblées primaires de citoyens (Six thèses pour la démocratie continue, Odile Jacob, 2022).

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