Le président exécutif d’ArianeGroup, Martin Sion, est chargé d’assurer une rapide montée en cadence industrielle, sous peine de voir la fusée européenne distancée par SpaceX, et ce à l’heure où elle doit affronter l’ouverture à la concurrence de la fabrication des minilanceurs.
Quelle analyse faites-vous des difficultés rencontrées par ArianeGroup huit mois après votre arrivée ?
Je connaissais les problèmes bien avant ma prise de fonction, étant membre du conseil d’administration depuis trois ans. Les résultats sont contrastés avec d’un côté un programme à l’heure, celui du nouveau missile balistique M51.3 qui a réussi son tir de qualification le 18 novembre, et de l’autre une accumulation de retards pour Ariane-6.
Peut-être l’entreprise n’avait-elle pas pris la mesure de la réalité de la situation. Or, dans le nouvel environnement spatial très compétitif, les atouts techniques ne suffisent plus, il faut être très réactifs. Ma tâche est donc de pousser à la transformation vers plus d’agilité et d’améliorer les performances opérationnelles.
Comment expliquer ces quatre années de retard du programme Ariane-6 ?
Quand, en 2014, l’Agence spatiale européenne [ESA] a lancé le programme Ariane-6, destiné à remplacer six ans plus tard Ariane-5, l’entreprise venait juste d’être créée, ArianeGroup résultant de la fusion des activités spatiales d’Airbus et de Safran, ses deux actionnaires. Il fallait donc intégrer cinq entités, et simultanément définir une nouvelle gouvernance entre ArianeGroup, l’ESA et le Centre national d’études spatiales.
Nous avons aussi dû recréer des compétences, que nous avions perdues. En effet, entre les décisions de lancement des deux lanceurs, une génération d’ingénieurs était passée, Ariane-5 ayant été décidée en 1988, plus de vingt-cinq ans auparavant. De plus, au fil du développement, des difficultés sont apparues liées à un « dérisquage technique » insuffisant, c’est-à-dire au manque d’avant-projets détaillés, ce qui a fait prendre du retard. Les deux années de Covid-19 ont aussi entravé le développement.
Le « retour géographique », cette pratique de l’ESA consistant à réaffecter une charge industrielle à chaque Etat, équivalente à sa contribution financière vous a aussi pénalisé, étant source de surcoûts. Faut-il le maintenir ?
Ce modèle devra évoluer dans le futur, il faut le remodeler, mais il ne faut pas oublier ce qu’il a apporté. Sans cela, nous n’aurions pas eu les quarante ans de succès européen. Mais c’est souvent une source de complexité dans les programmes de coopération, quand l’ensemble des acteurs doivent partager les mêmes objectifs et faire les mêmes efforts.
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