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Après la relaxe d’Eric Dupond-Moretti, le monde judiciaire dans l’incertitude

Le garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti, quitte le palais de justice de Paris, le 29 novembre 2023.

Il y a comme un paradoxe dans la situation d’Eric Dupond-Moretti. Il vient d’être relaxé, mercredi 29 novembre, par la décision de la Cour de justice de la République (CJR) des accusations de « prises illégales d’intérêt » – on lui reprochait d’avoir profité de sa position de ministre pour régler des comptes avec des magistrats avec lesquels il avait eu maille à partir lorsqu’il était avocat. Et pourtant, cela crée une situation des plus complexes : les trois ans de procédure – avec, en point d’orgue, les deux semaines d’audience – qui ont abouti à cette décision ont creusé un fossé qui paraît difficilement surmontable entre un ministre de la justice et une partie du monde judiciaire.

Cette relaxe est sans conteste une victoire juridique et politique pour le garde des sceaux, qui restera en place. Mais elle laissera un goût amer de part et d’autre. Celui qu’on surnommait « Acquitator » quand il était avocat a en effet dû affronter une partie des magistrats et les principaux syndicats de la profession durant son procès. Rémy Heitz, le tout nouveau procureur général près la Cour de cassation, l’un des plus hauts magistrats français, a même requis une peine d’un an de prison avec sursis à l’encontre de son ministre de tutelle. Du jamais-vu.

Difficile de faire comme si rien ne s’était passé dans cette salle d’audience et de reprendre, dès le lendemain, une activité normale. Et, si le parquet général décide de former un pourvoi – examiné dans ce cas par l’assemblée plénière de la Cour de cassation –, la situation pourrait même virer à la guerre de tranchée entre le ministre et les magistrats de la plus haute juridiction judiciaire avec une procédure qui se prolongerait dans le temps et qui nourrirait les critiques sur un hypothétique « gouvernement des juges ».

Hostilité réciproque

Lors du procès, il y eut également des échanges vifs avec plusieurs témoins qui occupent des fonctions de toute première importance. Il en va ainsi de Peimane Ghaleh-Marzban, président du tribunal judiciaire de Bobigny, deuxième juridiction française, un professionnel respecté et apprécié. Paul Huber, le directeur des services judiciaires, a aussi dû témoigner. Et même s’il est resté extrêmement loyal avec son ministre, la situation créée était pour le moins étonnante.

Les traces laissées par ce procès inédit seront-elles surmontables ? A la Chancellerie, on fait mine de s’étonner de la question. On assure que les choses ne changeront pas par rapport à auparavant, que le ministre continuera à travailler sur les différents dossiers en cours (comme la mise en place des pôles sur les violences intrafamiliales en janvier 2024, la constitutionnalisation de l’interruption volontaire de grossesse ou le nouveau statut du repenti). En creux, il faut donc comprendre que ce ne sera pas l’occasion d’une main tendue vers les syndicats de magistrats pour repartir de zéro. « Business as usual ».

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