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Assassinat de Samuel Paty : le procès de six anciens collégiens s'ouvre à Paris

Six anciens collégiens sont jugés à huis clos, à partir de lundi, à Paris, pour leur implication dans l’assassinat du professeur Samuel Paty en 2020, dans le premier des deux procès prévus dans cette affaire. Cinq adolescents sont jugés pour association de malfaiteurs, un sixième pour dénonciation calomnieuse.

Le procès de six anciens collégiens jugés pour leur implication dans l’assassinat, en 2020, de l’enseignant Samuel Paty par un jeune jihadiste s’ouvre lundi 27 novembre à Paris, à huis clos, devant le tribunal pour enfants.

Un deuxième procès, pour juger huit adultes, aura lieu devant la cour d’assises spéciale de Paris fin 2024.

Les jeunes prévenus sont arrivés au tribunal peu avant 9 h, le visage camouflé sous leurs manteaux, certains portant des lunettes de soleil ou un masque chirurgical, accompagnés de leurs parents et de leurs avocats. Avant eux, on avait vu entrer dans la salle certains proches de Samuel Paty, dont ses parents, visages fermés, ainsi qu’une dizaine d’anciens collègues du professeur qui ont demandé à se constituer parties civiles, comme l’Éducation nationale, malgré l’opposition du parquet antiterroriste.

L’Éducation nationale constituée partie civile

Après un débat dans la matinée, le tribunal a décidé qu’il trancherait la question plus tard, avec le fond du dossier. Les professeurs pourront donc assister au procès, prévu jusqu’au 8 décembre. « C’est un soulagement, ça fait trois ans qu’on attend ça, entendre nos élèves », a témoigné l’une d’elles, professeure de lettres dans le même collège, devant la salle d’audience.

« On a besoin de comprendre », abonde un autre, professeur d’anglais. Samuel Paty, « c’est notre quotidien, on n’enseigne plus du tout pareil aujourd’hui », déclare une troisième enseignante, visiblement émue.

L’Éducation nationale s’est également constituée partie civile, a indiqué son ministre, Gabriel Attal, joint par l’AFP. « Pour réaffirmer avec force notre volonté de défendre les valeurs de la République que Samuel Paty incarnait, mais aussi pour exprimer mon soutien indéfectible à l’ensemble du corps enseignant », a-t-il déclaré.

Le procès se tient sous strict huis clos vu le jeune âge des prévenus à l’époque des faits – entre 13 et 15 ans. Seules les personnes directement concernées par le dossier peuvent assister à l’audience. La presse n’a pas accès à la salle, gardée par des policiers, et il est interdit de rapporter ce qui se dit pendant les débats, même via la parole des avocats. 

L’attentat, commis sur fond de menace terroriste élevée, avait suscité un immense émoi en France et à l’étranger. Le 16 octobre 2020, l’enseignant en histoire-géographie de 47 ans avait été poignardé puis décapité près de son collège, à Conflans-Sainte-Honorine, en région parisienne, par Abdoullakh Anzorov, un réfugié russe d’origine tchétchène. Cet islamiste radicalisé de 18 ans avait été tué dans la foulée par la police.

Il reprochait au professeur d’avoir montré des caricatures de Mahomet lors d’un cours sur la liberté d’expression. Dans un message audio en russe, il s’était félicité d’avoir « vengé le Prophète ».

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Deux ans et demi de prison encourus

L’émotion provoquée par ce crime a récemment été ravivée par l’assassinat mi-octobre d’un autre professeur, Dominique Bernard, tué à Arras dans le nord de la France par un jeune islamiste radicalisé.

Les adolescents, aujourd’hui lycéens, encourent deux ans et demi d’emprisonnement.

Cinq d’entre eux, âgés de 14 et 15 ans, sont jugés pour association de malfaiteurs en vue de préparer des violences aggravées. Ils sont accusés d’avoir surveillé les abords du collège et désigné Samuel Paty à l’assaillant, contre rémunération.

« Il est rongé par les remords », a dit Me Antoine Ory au sujet de son client, qui venait d’entrer dans la salle. « Il est terrorisé, très inquiet de se retrouver face à la famille de Samuel Paty », pour la première fois.

Une sixième adolescente, âgée de 13 ans au moment des faits, comparaît pour dénonciation calomnieuse. Elle est arrivée dans la salle la tête entièrement dissimulée dans la capuche de sa doudoune noire. Cette collégienne avait, à tort, soutenu que Samuel Paty avait demandé aux élèves musulmans de la classe de se signaler et de sortir de la classe avant de montrer les caricatures de Mahomet. Elle n’avait en réalité pas assisté à ce cours.

Son mensonge a été à l’origine d’une violente campagne alimentée sur les réseaux sociaux par son père, Brahim Chnina, et par un militant islamiste, Abdelhakim Sefrioui, auteur de vidéos qui avaient attiré l’attention sur le professeur. Ils seront jugés lors du second procès.

« La défense va sans surprise plaider l’erreur de jeunesse », mais ce procès est « très attendu pour qui cherche à comprendre les véritables causes qui ont mené ces collégiens sur le chemin de l’irréparable », a déclaré devant la salle avant l’ouverture des débats Louis Cailliez, avocat de Mickaëlle Paty, l’une des sœurs du professeur assassiné.

L’enquête avait retracé comment, en dix jours, le piège s’était refermé sur Samuel Paty : du mensonge de la collégienne aux attaques en ligne, jusqu’à l’arrivée de l’assaillant devant le collège le 16 octobre, où il avait donné 300 euros à des collégiens pour identifier Samuel Paty qu’il voulait, avait-t-il prétendu, « filmer en train de s’excuser ».

Lors d’auditions où ils se sont effondrés en larmes, ces collégiens ont juré avoir imaginé que le professeur se ferait tout au plus « afficher sur les réseaux », peut-être « humilier », « taper »… mais « jamais » que ça irait « jusqu’à la mort ».

Avec AFP

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