Close

Marthe Fatin-Rouge Stéfanini, juriste : « Si le chef de l’Etat veut élargir le champ du référendum, il faut introduire de nouveaux garde-fous »

Marthe Fatin-Rouge Stéfanini

Marthe Fatin-Rouge Stéfanini est directrice de recherches au CNRS à Aix-Marseille Université et enseigne le droit constitutionnel comparé. Elle travaille sur la participation citoyenne dans les institutions, en France et à l’étranger, et plus particulièrement sur les modalités de mise en œuvre des différents processus référendaires et leur encadrement.

Comment réagissez-vous à la proposition d’Emmanuel Macron d’élargir le champ du référendum aux questions de société et de soumettre au suffrage universel direct des textes portant sur des sujets comme les questions migratoires ?

Ce projet soulève de nombreuses questions juridiques et reste, en l’état, très flou. L’article 11 de notre Constitution permet au président de la République d’organiser un référendum sur un certain nombre de sujets : organisation des pouvoirs publics, ratification de traités internationaux, réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale.

Lire aussi le décryptage : Article réservé à nos abonnés Immigration : le piège tendu par Emmanuel Macron à la droite

Si l’on veut élargir le champ à d’autres domaines, il faut réviser la Constitution. Or, les questions migratoires sont encadrées par de nombreux textes du droit européen et international, qui limitent la marge de manœuvre des politiques que l’on peut engager. Le projet de loi référendaire sur les questions migratoires devrait respecter ces engagements internationaux et les droits fondamentaux inscrits dans la Constitution. Il peut exister une contradiction entre, d’un côté, vouloir élargir le champ du référendum en y intégrant les questions migratoires, et, de l’autre, respecter l’Etat de droit, qui impose le respect de normes supérieures. Le projet évoqué par le chef de l’Etat met en lumière l’importance des limites du processus référendaire et du contrôle de ces limites.

Qui vérifie aujourd’hui la conformité de la question soumise à référendum avec ces normes supérieures ?

Seul le référendum d’initiative partagée (parlementaire puis citoyenne), mis en place en 2008, est encadré, et même tellement encadré qu’aucun ne s’est jamais tenu. Lorsque le référendum est d’initiative présidentielle, ce contrôle n’existe pas. Aucune autorité n’est officiellement chargée de vérifier que la proposition référendaire correspond aux domaines définis à l’article 11.

C’est cette faille de notre Constitution qui a permis au général de Gaulle de proposer une révision constitutionnelle en 1962 par le biais de l’article 11, sans passer par le processus normal de révision constitutionnelle qui prévoit, à l’article 89, que le texte soit discuté et voté par chacune des assemblées puis proposé au référendum ou adopté en congrès à une majorité des trois cinquièmes. La procédure a suscité beaucoup de remous, mais, comme les citoyens se sont prononcés à une majorité importante de 62 %, elle a été considérée comme légitimée à l’époque par ce vote positif. Cette interprétation de la Constitution n’a jamais été remise officiellement en cause.

Il vous reste 75% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

source

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 Comments
scroll to top