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Modigliani, peintre pas si maudit, au Musée de l’Orangerie

« Portrait de Paul Guillaume » (1916), d’Amedeo Modigliani.

C’est une petite exposition, mais bien ciblée et dense par le propos : le Musée de l’Orangerie, à Paris, montre, en vingt-deux tableaux, huit sculptures, autant de photographies et une masse de documents d’archives, comment s’est développée une relation bien particulière entre un artiste, Amedeo Modigliani (1884-1920), et un marchand alors débutant, Paul Guillaume (1891-1934).

Leur rencontre a lieu par l’entremise du poète Max Jacob (1876-1944), lequel avait déjà présenté à l’artiste celle qui devint une de ses compagnes, la poétesse anglaise Béatrice Hastings (1879-1943). Et la poésie est précisément ce qui les lie, au-delà des aspects commerciaux de leur relation. « Modigliani aimait et jugeait la poésie, se souvint Paul Guillaume. Non point à la manière froide et incomplète d’un agrégé de faculté, mais avec une âme mystérieusement douée pour les choses sensibles et aventureuses. »

Lors de leur rencontre, Paul Guillaume n’a que 23 ans. Il gère un garage de voitures de luxe à Paris. La légende raconte que, à l’occasion de la livraison d’une cargaison de caoutchouc venue du Gabon, destinée à la fabrication de pneus, il découvre quelques objets d’art africain dans les caisses et en tombe immédiatement amoureux. Sa rencontre avec Guillaume Apollinaire, déjà bon connaisseur de ces objets, le conforte dans son goût, il continue ses acquisitions et décide de les exposer dans son garage. Modigliani, pour sa part, est un habitué du Musée du Trocadéro, qui abrite une importante collection. C’est, avec la poésie, leur deuxième point commun.

Sous l’influence de Brancusi

L’accrochage de l’exposition, dû aux commissaires Simonetta Fraquelli et Cécile Girardeau, restitue simplement mais finement l’importance qu’eurent les arts premiers pour les deux hommes, et surtout pour Modigliani : l’installation côte à côte d’un masque fang du Gabon et d’un portrait de l’Italien dit Femme au ruban de velours se passe de commentaires, tant le style du second semble dériver du premier.

« Femme au ruban de velours » (vers 1915), d’Amedeo Modigliani.

Lorsqu’il ouvre sa première galerie rue de Miromesnil, en février 1914, Paul Guillaume juxtapose pareillement des œuvres de Francis Picabia ou Giorgio De Chirico avec des sculptures africaines. Sa pertinence dans ce dernier domaine devient telle que, lorsque le peintre et collectionneur Marius de Zayas organise à la galerie new-yorkaise 291, d’Alfred Stieglitz, la première exposition aux Etats-Unis consacrée aux arts africains, dix-huit pièces proviennent de la collection personnelle de Paul Guillaume.

Le marchand commence réellement sa collaboration avec Modigliani en 1915. C’est de cette année-là que date un portrait du premier par le second. Guillaume y est représenté avec une fine moustache, regardant le peintre d’un peu haut, cravaté, chapeauté et ganté, tenant une cigarette. Outre sa signature, l’artiste a écrit sur son tableau le nom de son modèle et a ajouté la mention « novo pilota » (« nouveau pilote ») en lettres majuscules. Et c’est bien ainsi que se voit le très jeune marchand : ne se vante-t-il pas d’avoir réorienté la carrière de Modigliani, qui, sous l’influence de Brancusi, se voulait sculpteur ? « A tort ou à raison, écrivit-il, c’est moi qui ai pris la responsabilité de l’engager à faire de la peinture… »

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