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« En limitant les moyens des laboratoires d’idées, l’Etat restreint sa propre action et son influence »

En juillet 1982, dans un article du « Monde », le journaliste Didier Pourquery se risquait à la formule suivante : « L’industrie des idées est aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. En France, nous pratiquons l’artisanat. » Quarante ans après, le constat reste malheureusement d’actualité, comme si le soft power était toujours une notion ignorée ou exogène à notre démocratie. Certes, un petit panel des organisations françaises estampillées « laboratoires d’idées » (« think tanks ») rayonne en France et à l’international, tant par la crédibilité de leurs travaux que par leur capacité de diffusion.

Mais, comme le « rapport sur les think tanks français : mission d’information et de recommandations » d’Yves Saint-Geours, remis le 27 octobre 2016 au ministre des affaires étrangères de l’époque Jean-Marc Ayrault, le pointait déjà, le financement de nos laboratoires d’idées et le soutien apporté à la société civile organisée contrastent avec les ambitions de la France, à la fois dans le domaine de la pensée stratégique et dans son rôle d’acteur majeur de la construction européenne.

Comparés à nos homologues allemands (tels que SWP, DGAP, Bertelsmann, Robert Bosch, Konrad Adenauer, Friedrich Ebert Stiftungen…), les financements de nos laboratoires d’idées et des associations citoyennes œuvrant sur les sujets nationaux et européens sont limités, et en baisse régulière ces dernières années, du fait du désengagement de la sphère privée et publique.

En France, faible soutien de l’Etat aux think tanks

Alors que le Bundestag vote chaque année, de manière transparente, une dotation aux grandes fondations politiques supérieure à 620 millions d’euros, en augmentation de 110 % en vingt ans, nous peinons à aligner en France un financement total quarante fois moins élevé ! Et ces sommes sont réparties, sans consultation préalable du Parlement, de manière purement discrétionnaire. On notera que l’Allemagne n’est pas le seul pays en Europe à pratiquer un soutien public massif aux laboratoires d’idées : l’Espagne, l’Italie, la Suède ou l’Autriche affichent également un fort engagement de l’Etat, représentant a minima 40 % des budgets des structures concernées.

En France, l’appui de l’Etat reste modeste, alors que dans nombre de domaines la conception de l’Europe et du monde qui anime la France est souvent plus volontariste que celle de nos partenaires européens, par exemple en matière de souveraineté européenne.
En limitant les moyens de ces associations, l’Etat restreint sa propre action et son influence, là où ces organisations peuvent, par l’entrée de la société civile et d’une forme d’organisation hybride située entre savoirs et pouvoirs, agencer réflexions et actions au service de l’intérêt général.

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