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Etoiles de David taguées : la France dénonce une campagne d’ingérence numérique russe

Un immeuble parisien tagué avec des étoiles de David, le 31 octobre 2023.

Pour la deuxième fois en un an, la France dénonce officiellement une campagne d’influence russe visant le territoire national. Jeudi 9 novembre, le Quai d’Orsay a publiquement condamné l’implication du réseau de désinformation Doppelgänger, ou « Recent Reliable News », dans l’amplification et la diffusion des photos d’étoiles de David bleues taguées sur des murs de Paris et de sa proche banlieue.

Dans son communiqué, la diplomatie française explique que de nombreux comptes sur les réseaux sociaux attribués « avec un haut degré de confiance » au réseau Doppelgänger ont amplifié les photos de ces tags, mais surtout qu’ils ont été les premiers à les propager en ligne. L’enquête a été menée par Viginum, l’organisme français de lutte contre les opérations d’influence.

Comme l’avait constaté Le Monde, au moins deux photos des tags prises de nuit rue de Rocroy (10e arrondissement) avaient été massivement diffusées sur Facebook et Twitter par les comptes de Doppelgänger. Si ces comptes automatisés sont grossiers, les photos diffusées n’étaient trouvables nulle part ailleurs, laissant penser qu’elles avaient été prises ou réceptionnées par une personne en lien avec le réseau de désinformation.

« Soutenir » les Français juifs

Le Quai d’Orsay précise que sa condamnation porte spécifiquement sur la diffusion et l’amplification de ces tags, alors que l’origine même des 250 pochoirs d’étoiles de David retrouvés en banlieue parisienne ces dix derniers jours doit, elle, être déterminée par une enquête judiciaire. Quatre personnes de nationalité moldaves (dont un couple ayant été interpellé) sont suspectées d’être à l’origine d’une partie d’entre eux.

Le commanditaire présumé de l’opération de taguage, l’homme d’affaires moldave Anatolii Prizenko, a confirmé au quotidien Libération avoir payé des personnes pour peindre des étoiles de David sur les murs parisiens, assurant que son but était de « soutenir » les Français juifs. Une affirmation douteuse, alors que M. Prizenko a publié des messages à connotation antisémite sur les réseaux sociaux ces dernières années. L’homme, qui a fait de la prison pour escroquerie en 2012, a lancé différents groupuscules prorusses avant de rejoindre le Parti socialiste moldave, lui-même prorusse et largement contrôlé par Moscou.

Contacté par Le Monde, M. Prizenko n’a accepté de répondre que par écrit, s’abritant derrière deux organisations inconnues, la « Communauté juive européenne » et le « Bouclier de David » (lui-même explique ne pas être juif et répète avoir voulu « ôter leur peur aux juifs »). Il refuse d’évoquer le financement de son opération, nie tout lien avec les structures ou les personnalités liées au réseau Doppelgänger et affirme « être au courant seulement d’actions menées en France ». « C’est possible qu’il y en ait eu dans d’autres pays mais qui n’ont pas été remarquées par les médias », écrit-il. Des photos de tags dans des villes allemandes ont été diffusées entre fin octobre et début novembre par des comptes de propagande russe sur la messagerie Telegram.

Moscou a de son côté réfuté tout lien avec ces opérations. « Non, il n’y a pas eu d’influence extérieure, ce n’est pas un sabotage ou une provocation », a certifié jeudi la porte-parole du ministère des affaires étrangères russe, Maria Zakharova, lors d’une conférence de presse. La diplomatie russe a récemment porté des accusations similaires à l’encontre des « services secrets occidentaux », désignés comme les responsables de différents incidents antisémites survenus dans le Caucase les 28 et 29 octobre, en particulier de l’attaque de l’aéroport de Makhatchkala, au Daghestan.

C’est la deuxième condamnation officielle du Quai d’Orsay visant Doppelgänger, une longue et vaste opération d’influence russe en ligne qui s’appuie aussi bien sur des faux sites d’information que sur des copies de médias français, allemands ou mêmes ukrainiens. Ce réseau diffuse notamment ses contenus à l’aide d’un réseau de faux comptes Facebook et Twitter, généralement de très mauvaise facture et à la portée limitée, mais aussi en achetant des publicités sur le réseau social de Meta à l’aide de fausses pages.

Mise à jour le jeudi 9 novembre à 20 h 30 : ajout des déclarations et d’éléments sur l’implication de M. Prizenko, ainsi que de la réaction officielle russe.

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