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Le bibimbap de Pierre Sang Boyer : « J’avais envie que les étudiants mangent autre chose que McDo »

Né à Séoul en 1980, Pierre Sang Boyer a grandi en Auvergne et fait carrière à Paris. Passé par l’émission « Top Chef », il a développé trois bistrots gastronomiques parisiens, du côté de République, et lancé une offre de street food coréenne avec Pierre Sang Express, qui ne propose que des bibimbaps.

Le bibimbap de Pierre Sang Boyer.

« C’est un plat que je n’ai jamais vraiment appris à faire, mais que j’ai vu faire dans la famille de ma femme, qui est coréenne. Je suis né en Corée, où j’ai été placé dans des familles d’accueil avant d’atterrir à l’orphelinat. Je suis arrivé en France à l’âge de 7 ans et demi, adopté par une famille française en Auvergne – où, à l’époque, il n’y avait pas un seul restaurant asiatique. Toute ma vie je n’ai travaillé que dans des cuisines françaises. La Corée est une partie de moi que je n’avais pas forcément envie de me rappeler. Ma femme a réussi à me reconnecter à cette culture. Elle a donné du sens à ma vie, en tant que père de famille, chef d’entreprise, et cuisinier passeur entre les deux pays.

En coréen, bap signifie « riz » et bibim, « mélangé ». Le bibimbap, c’est du riz mélangé à tous les légumes que tu peux trouver en saison, dans une région donnée. J’achète tous mes légumes en Ile-de-France, chez des producteurs que je connais. En ce moment, c’est chou blanc, chou rouge, sucrine, carottes jaunes, violettes, orange. J’aimerais bien mettre du butternut, mais ça passe moins bien auprès des clients. Et c’est important pour moi de plaire au plus grand nombre.

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J’applique le même raisonnement à la protéine : du bœuf pour la viande, car le porc est trop clivant, et du saumon pour le poisson. A l’avenir, j’aimerais réussir à le remplacer par de la truite d’Auvergne, qui viendrait de France et rappellerait mes origines. J’ai déjà intégré à la recette des lentilles du Puy, que je mélange à un riz japonica de Camargue. Ce plat, c’est vraiment moi, toujours partagé entre Séoul, Le Puy-en-Velay et Paris.

Un œuf cuit à basse température

En Corée, chaque famille qui prépare le bibimbap a un ingrédient ou une technique secrète, comme les Français avec la blanquette. Moi, mon truc, c’est de mettre un œuf cuit à basse température plutôt qu’un œuf au plat, car il lie les ingrédients entre eux. Ma femme goûte la recette tous les mois pour contrôler la qualité. Parfois, elle passe des consignes en coréen aux cuisiniers. J’ai oublié la langue au point de ne pas comprendre ce qu’elle dit, mais je lui fais confiance. Elle est le secret de ma réussite.

J’ai commencé à préparer des bibimbaps au restaurant [qui porte son nom, rue Oberkampf, Paris 11e] il y a sept ou huit ans. Je voyais les étudiants déjeuner au McDo à côté, j’ai moi-même des enfants, j’avais envie qu’ils mangent autre chose. J’ai cuit du riz au rice cooker, j’ai ajouté de la viande et des légumes qui ne m’avaient pas servi pour le gastro, l’assaisonnement coréen à base de vinaigre de riz, soja, une pointe de sésame : 7 euros. Ça a cartonné. Faire des prix accessibles, ça change tout.

Pierre Sang Boyer, dans son restaurant Le Loft (Paris 11e), le 20 octobre.

A la longue, c’était un peu difficile de concilier le resto gastronomique et l’offre bibimbap le midi, donc j’ai lancé Pierre Sang Express, qui ne fait que des bibimbaps à emporter. Avec l’emballage et l’inflation, le prix a forcément augmenté, et est passé à 12 euros. Aujourd’hui, avec la crise, j’ai l’impression que les gens sont beaucoup plus à la recherche de street food que de gastronomie. Faire des bibimbaps me va bien. Ce plat, c’est une manière de me réapproprier mon histoire. »

La dégustation

Au premier abord, on dirait une salade très fraîche, recouverte de sucrine, de lamelles de carotte et de chou. Mais l’odeur du riz et de la viande chaude a tôt fait de nous détromper. Et, quand on mélange, l’ensemble est parfait : outre le bœuf et le riz, toujours réconfortants, les légumes ont du goût, l’assaisonnement est pimenté comme il faut pour dépayser, l’œuf coule… Un bibimbap différent, mais très convaincant.

Bibimbap au bœuf, chez Pierre Sang Express, 12 €. Trois adresses à emporter : 8, rue Gambey (Paris 11e) ; 12, rue Notre-Dame-des-Champs (Paris 6e) ; 108, rue Réaumur (Paris 2e) ou en livraison via Uber Eats. Pierresang.com/pierre-sang-express

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