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Le sommeil, plus perméable au monde extérieur qu’on ne le pensait

Dans un jardin parisien, en octobre 2015.

Le sommeil n’est finalement pas un état de coupure étanche avec le monde extérieur. « Le dormeur y ouvre de petites fenêtres vers son environnement », décrit Isabelle Arnulf, cheffe du service de pathologies du sommeil de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, qui vient de conduire, avec des collègues rattachés à l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM), une série d’expériences mettant en évidence ce phénomène. Ces travaux, publiés dans Nature Neuroscience, chamboulent la vision habituelle du sommeil en explorant sa porosité à l’égard des stimuli extérieurs et les réponses cognitives qu’ils peuvent engendrer.

« Tout est parti de nos rêveurs lucides », raconte la clinicienne, qui étudie les personnes narcoleptiques, souffrant d’assoupissements incoercibles, et parmi lesquelles 70 % environ peuvent prendre le contrôle de leurs songes en phase de sommeil paradoxal : « Ils savent qu’ils rêvent et peuvent orienter leurs rêves. » En 2021, avec sa collègue Delphine Oudiette (Inserm-ICM) et des équipes américaines, allemandes et néerlandaises, elle avait montré qu’il était possible d’établir avec ces rêveurs une forme de communication bidirectionnelle pendant le sommeil paradoxal : par un système de codes mettant en jeu des mouvements oculaires ou de contraction des muscles faciaux, ces sujets étaient capables de répondre à des questions, de calcul mental par exemple, environ une fois sur cinq.

« La trouvaille de Delphine Oudiette a été de montrer que cela s’applique à tout le monde, et pas seulement aux rêveurs lucides », salue Isabelle Arnulf. Leurs doctorants et postdoctorants se sont mis en effet au chevet de 22 personnes sans troubles du sommeil et de 27 patients narcoleptiques à qui il était proposé de faire la sieste tout en écoutant une série de mots, certains ayant un sens (« pizza »), et d’autres, non (« dizza »). Avant qu’ils ne s’assoupissent, la tête bardée d’électrodes et de capteurs, il leur était demandé de froncer les sourcils ou de sourire trois fois selon les cas.

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Les chercheurs ont eu la surprise de constater que, même une fois endormis, les sujets continuaient de respecter cette consigne : par intermittence, ils sourcillaient et souriaient conformément au code préétabli. Et ce, même hors de la phase de sommeil paradoxal. Ce n’était cependant pas le cas chez les sujets sains pendant la phase dite « N3 », qui caractérise le sommeil le plus profond. « Nous avons constaté que les rêveurs lucides avaient un peu de retard dans leur réponse par rapport aux sujets sans troubles du sommeil », note Isabelle Arnulf. Comme si leurs rêves lucides compliquaient le traitement de l’information. Autre observation : les mots n’ayant aucun sens étaient suivis d’un temps de réponse plus long, comme ce qui est observé chez les sujets éveillés, qui doivent fouiller dans leur registre lexical.

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