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Fronde des policiers : le silence préoccupant du pouvoir politique

Un mois après le déclenchement d’émeutes urbaines provoquées par la mort du jeune Nahel M., tué par un policier après un refus d’obtempérer, ce qu’il se passe à Marseille jette une lumière inquiétante sur l’état de la police et la difficulté qu’éprouve le pouvoir politique à la maîtriser.

Une fronde, menée à coups d’arrêts maladie et de service minimum, a éclaté après que quatre policiers de la brigade anticriminalité ont été mis en examen pour des violences commises à l’égard d’un jeune homme de 21 ans, Hedi, touché par un tir de LBD qui lui a causé un grave traumatisme crânien, dans la nuit du 1er au 2 juillet. La ville était alors le théâtre de scènes de violence et de pillage. L’un des policiers a été placé en détention provisoire. C’est cette décision qui a déclenché la colère de ses collègues et mis le feu aux poudres.

Dépêché sur place pour tenter d’éteindre l’incendie, Frédéric Veaux, le directeur général de la police nationale (DGPN), n’y est pas parvenu. Lundi 24 juillet, dans un entretien au Parisien, il a choisi d’excuser la rébellion en estimant « qu’avant un éventuel procès un policier n’a pas sa place en prison, même s’il a pu commettre des fautes ou des erreurs graves dans le cadre de son travail ». En retour, le président du tribunal de Marseille n’a pu que lancer un « appel à la mesure » en rappelant le principe d’impartialité qui doit accompagner le travail de la justice.

Certes, la mise en détention provisoire n’est pas une décision anodine, ni un acte courant. Strictement délimitée, elle doit être utilisée avec parcimonie et à bon escient. Mais, en manifestant sa volonté de couvrir ses troupes, en plaidant pour une sorte de régime d’exception à l’égard des policiers, le DGPN n’a pas seulement pris le risque de nourrir un nouvel épisode de la guerre entre police et justice. Il a mis en cause les principes de l’Etat de droit : l’indépendance de la justice, la séparation des pouvoirs, l’égalité devant la loi.

Une police de moins en moins contrôlable

Le silence du pouvoir politique n’a fait qu’accroître le malaise. Ni le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, ni la première ministre, Elisabeth Borne, n’ont cru bon de réagir. Il a fallu l’indignation combinée de la gauche et des magistrats pour que, de Nouméa, où il est en déplacement, Emmanuel Macron prononce une sorte de jugement de Salomon : « Nul en République n’est au-dessus de la loi », a déclaré le président de la République à l’adresse des policiers frondeurs, non sans avoir longuement vanté l’action de la police durant les émeutes et insisté sur la nécessité de l’ordre, invoquée à trois reprises sous forme d’injonction.

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Cette nouvelle manifestation du « en même temps » n’a rien de rassurant. Elle apparaît davantage comme une volonté de calmer le jeu que de réaffirmer l’autorité du pouvoir politique sur une police qui, sursollicitée et en partie radicalisée, devient de moins en moins contrôlable. A l’approche de la Coupe du monde de rugby et des Jeux olympiques, le président de la République ne peut, certes, s’offrir le luxe d’une crise ouverte avec ceux qui assurent le maintien de l’ordre.

Mais il ne peut pas faire comme si les émeutes urbaines de 2023 et de 2005 n’avaient pas été déclenchées par des bavures policières. Il ne peut pas faire mine d’ignorer que deux syndicats de police, Alliance et UNSA-Police, ont évoqué, au plus fort des tensions, une « guerre » contre des « hordes sauvages », des « nuisibles ». Il ne peut pas fermer les yeux sur le fait que la France souffre d’un rapport très dégradé entre les forces de l’ordre et une partie de la population. Ce volet-là manquait dans son intervention, comme un aveu de faiblesse préoccupant.

Le Monde

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