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Avec des taux d’intérêt jamais vus depuis la crise de la zone euro, un grand rééquilibrage économique s’opère

La présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, à l’issue de la réunion de politique monétaire de l’institution, à Francfort, en Allemagne, le 14 septembre 2023.

Nouveau coup de chaud sur les taux d’intérêt. Le taux auquel emprunte l’Italie à dix ans s’est élevé, mercredi 4 octobre, à 5 %, pour la première fois depuis début 2012. L’Allemagne, pays considéré le plus sûr en Europe, a touché brièvement la barre symbolique des 3 %, tandis que la France a atteint 3,6 %, au plus haut depuis 2011. Ces niveaux n’ont pas été enregistrés depuis la crise de la zone euro. Sauf que, cette fois, il ne s’agit pas d’une crise, mais d’une politique délibérée des banques centrales, appelée à durer.

« Le marché prend enfin la mesure de ce qu’il ne voulait pas voir jusqu’à présent, à savoir que les taux d’intérêt vont rester élevés pendant longtemps, estime Gilles Moëc, économiste en chef d’Axa. Pourtant, les banques centrales ont été claires. »

Derrière ce changement, tout l’équilibre économique de ces quinze dernières années est progressivement remis en question. « Sortir de la période des taux d’intérêt négatifs a des conséquences à tous les niveaux de l’économie », avertit Eric Dor, directeur de la recherche économique à l’Iéseg, une école de commerce. Chute des prix immobiliers, alourdissement du remboursement de la dette, notamment en France, augmentation des défauts des entreprises, baisse des Bourses… Aucun domaine ne va y échapper. « On est en plein rééquilibrage », confirme Alexandra Dimitrijevic, directrice de la recherche à l’agence de notation S&P Global.

Un durcissement monétaire historique

Le choc des taux d’intérêt s’est effectué en trois étapes. La première vient des banques centrales : face au grand retour de l’inflation, celles-ci ont très fortement resserré leur politique monétaire. Aux Etats-Unis, la Réserve fédérale a fait passer son taux de zéro à 5,25 %, tandis que la Banque centrale européenne (BCE) a augmenté son taux directeur de − 0,5 % à 4 %. Il s’agit du plus rapide durcissement depuis quarante ans.

Cette augmentation est désormais pratiquement terminée. Sans complètement exclure une hausse supplémentaire, Christine Lagarde, la présidente de la BCE, affirme qu’elle « se concentre désormais sur la durée ». Huw Pill, membre du comité de politique monétaire de la Banque d’Angleterre, a résumé la tendance générale, fin août, en comparant l’évolution des taux d’intérêt à « la montagne de la Table » d’Afrique du Sud, dont le sommet est un long plateau plat, plutôt qu’au Cervin suisse, pointu, qui monte et redescend aussi vite.

La deuxième étape du choc actuel est en train de se produire : il s’agit de la transmission de cette politique à l’ensemble des marchés financiers. Longtemps, ceux-ci ont parié sur des taux d’intérêt qui redescendraient dès la première moitié de 2024. Mais, paradoxalement, la (relative) bonne santé de l’économie a déjoué leurs pronostics. La croissance de la zone euro devrait être de 0,6 % cette année, selon Allianz. Un fort ralentissement, mais pas une récession. Aux Etats-Unis, la robustesse est encore plus flagrante : la croissance est attendue à 2,2 % en 2023.

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