Close

Au Brésil, Guaribas, l’ancienne « capitale de la faim » devenue la ville la plus « luliste » du pays

Difficile d’imaginer sentier plus ingrat. Il s’insinue dans une grise et âpre forêt de buissons épineux. La pente est escarpée. Le sol, graveleux, s’effrite sous les pas. Mais après un kilomètre parcouru dans une chaleur de four, la récompense est là : du vert. Des feuilles, des arbres, des fougères. Et, surtout, de l’eau, provenant d’une petite source dissimulée dans un coin de falaise. Une oasis inespérée au milieu de cette nature décharnée.

« Autrefois, on était des centaines à faire la queue dans la forêt pour puiser un peu d’eau, souvent au milieu de la nuit. Remplir un jerrican pouvait prendre des heures, goutte à goutte. Mais il n’y avait pas le choix : c’était la seule source d’eau pour toute la ville », raconte Leticia Alves de Souza. A 60 ans, cette habitante au visage marqué de Guaribas, cité du sud de l’Etat du Piaui (Nordeste), a bien connu cette « vie d’avant », voici seulement deux décennies. Guaribas était alors la « capitale de la faim » du Brésil. « Une époque de souffrance », résume-t-elle.

Mais, depuis, « tout a changé », raconte Leticia. Ville la plus pauvre du pays, Guaribas a été érigée en laboratoire, cité pilote et emblème des politiques sociales du Parti des travailleurs (PT) de Luiz Inacio Lula da Silva, président de 2003 à 2011, revenu aux responsabilités le 1er janvier. C’est ici que fut lancé, il y a vingt ans, le programme Fome Zero (« zéro faim »), visant à éradiquer la faim au Brésil. Avec des succès certains, mais des défis et beaucoup d’interrogations.

Leticia Alves de Souza, chez elle, à Guaribas, dans l’Etat de Piaui (Brésil), le 18 août 2023.

En 2000, la ville possédait le pire indice de développement humain (IDH) du Brésil : 0,214, inférieur à celui de n’importe quel pays du Sahel. Guaribas (du nom d’un gros singe hurleur) vit alors coupée du monde, cernée par des falaises de grès rouge et d’infranchissables étendues de caatinga, rêche « forêt blanche » en langue tupi-guarani. La grande cité la plus proche, Sao Raimundo Nonato, est située à 150 kilomètres, au bout d’une piste impraticable.

« Une paire de tongs par famille »

Les maisons sont en terre. Il n’y a ni asphalte ni électricité, et la nourriture manque. A la saison sèche, les hommes partent chasser le rongeur, le tatou, le cerf, mais ils rentrent souvent bredouilles. L’eau et la nourriture manquent. « A Guaribas, ceux qui arrivaient à déjeuner ne dînaient pas. Et vice versa », résume Leticia. Les habitants ont à peine de quoi se vêtir. « Il y avait une paire de tongs par famille ! », relate, de son côté, Maria das Neves.

Cette Guaribana de 63 ans aux cheveux argentés se souvient comme d’hier du 3 février 2003. A cette date, une flopée d’hélicoptères se posent sur le terrain de foot de la ville. A bord, quatre ministres du gouvernement Lula, venus lancer la guerre contre la faim : allocation Bolsa familia (« bourse famille »), construction de citernes, alphabétisation, raccordement à l’eau et à l’électricité, acquisition d’aliments… La gauche bombarde le Nordeste de programmes sociaux.

Il vous reste 66.58% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

source

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 Comments
scroll to top