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Vente à perte des carburants : « Le gouvernement cède plutôt à la panique qu’à une vision de long terme »

Dans une station-service de Faches-Thumesnil (Nord), le 10 août 2023.

C’est bien connu, en détournant le fameux slogan giscardien de 1976, « en France, on n’a pas de pétrole ni d’argent, mais on a des idées ». Le gouvernement propose donc d’autoriser les ventes de carburant à perte. Idée géniale : pour lutter contre l’inflation, vendons à perte, et pourquoi pas gratuitement.

On comprend bien le souci de l’Etat de faire un geste tout en contrôlant ses finances (car lui-même a trop longtemps vendu à perte), mais on peut avancer au moins trois raisons qui ne plaident pas pour cette solution.

D’abord, le commerçant n’a pas forcément envie de creuser sa tombe au fur et à mesure qu’il vend ses produits. Nous ne sommes pas du tout dans le cas des enseignes d’habillement qui doivent écouler leur marchandise à prix cassés en fin de saison car elle a perdu de sa valeur. Le pétrole, lui, ne connaît pas les effets de mode. Ce qui signifie que le marchand utilisera l’essence pas cher comme produit d’appel dans le cadre d’opérations commerciales, c’est d’ailleurs ce qu’a suggéré l’exécutif. Autrement dit, il compensera sa perte sur les carburants par une hausse sur d’autres produits. Effet nul sur l’inflation. C’est précisément pour lutter contre ce genre de distorsion de concurrence que la loi interdit la vente à perte depuis 1963.

Les distributeurs indépendants fragilisés

D’où la deuxième raison, cette proposition cible les supermarchés, qui peuvent se rattraper ailleurs, et va fragiliser les 2 400 distributeurs indépendants qui maillent le territoire français. Ceux-ci demandent déjà une aide compensatoire. Une fois de plus, l’Etat, qui discourt depuis quarante ans sur les vertus de l’industrie et du petit commerce, compte surtout sur la grande distribution pour améliorer le pouvoir d’achat des Français.

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Enfin, cette mesure est évidemment désastreuse sur le plan environnemental, puisqu’elle enlève une incitation majeure à l’économie de carburant. Dommage, le jour où le gouvernement met la dernière main à sa planification écologique. Dans le cas présent, il cède plutôt à la panique, celle du retour des grandes colères, qu’à une vision de long terme. C’est la malédiction du politique, contraint si souvent de sacrifier l’important à l’urgent.

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