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Des araignées, sentinelles de la pollution au mercure

Une araignée « Tetragnatha ».

Le mercure est un affreux poison. Un « polluant global », disent les scientifiques, car on en trouve partout sur le globe. Redoutable car il emprunte un chemin tortueux : présent sur terre, il atteint sa pleine toxicité lorsqu’il se trouve transformé dans l’eau par des bactéries aquatiques en méthylmercure. Il s’accumule alors dans toutes les créatures qui s’y trouvent, des insectes aux poissons. Pour les humains, il peut s’avérer délétère, particulièrement pour les fœtus. Si bien que l’Organisation mondiale de la santé l’a classé parmi les dix polluants les plus préoccupants. Car, même si son usage a été considérablement réduit, l’orpaillage, la consommation de carburants fossiles, en particulier le charbon, ou encore les déchets industriels anciens continuent de polluer cours d’eau, lacs et océans. L’Agence européenne de l’environnement estime que la concentration de mercure dans les mers est trois fois plus élevée qu’elle devrait l’être. Et c’est pire dans certains lacs.

Les araignées du genre Tetragnatha sont aux premières loges de ce triste spectacle. Elles y jouent même un rôle, pour l’heure secondaire, mais qui pourrait prendre de l’ampleur, selon un article publié mercredi 13 septembre dans la revue Environmental Science & Technology Letters. Les scientifiques de l’US Geological Survey (USGS) le rappellent : ces créatures se nourrissent exclusivement d’insectes aquatiques et sont dévorées par des grenouilles, des serpents et des oiseaux. Elles contribuent donc à réinjecter le polluant dans la chaîne alimentaire terrestre.

Faut-il alors s’en débarrasser ? « Sûrement pas, s’insurge Sarah Janssen, première autrice de la publication. Loutres et rats musqués s’alimentent aussi dans l’eau. Les têtards grandissent en rivière puis, devenus grenouilles, en sortent. Les insectes aquatiques se reproduisent sur terre. Eux aussi contribuent au transfert. » Comprendre : on ne va pas tous les éradiquer.

Véritables sentinelles

D’autant que les tétragnathes ont un atout : ce sont de véritables sentinelles. Elles voient tout, conservent tout. En effet, les différentes sources de mercure (naturel, combustion, déchets) présentent chacune un équilibre particulier entre les différents isotopes. En analysant insectes, poissons et araignées dans deux affluents de l’immense lac Supérieur d’Amérique du Nord, les chercheurs de l’USGS ont montré, pour la première fois, que ces dernières conservaient la signature déjà observée chez les deux premiers.

Et, entre la libellule, la perche et l’araignée, il n’y a pas photo, insistent les scientifiques. D’abord l’araignée ne renseigne pas seulement sur la pollution aquatique, elle témoigne aussi de la façon dont le mercure est transféré à l’environnement terrestre. Mais ce n’est pas tout, insiste David Walters, coordinateur de la recherche. « Elles sont beaucoup plus faciles à attraper, pas besoin d’autre équipement qu’une lampe de poche, dit-il. Beaucoup plus fixes aussi, contrairement aux poissons qui ne cessent de se déplacer ; elles offrent donc une information spatiale incomparable. Enfin on trouve des tétragnathes presque partout où il y a de l’eau douce : elles vont donc permettre des comparaisons mondiales. »

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