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L’improbable trajectoire de Pascal Praud, figure de proue de l’empire Bolloré

Fin juillet, Pascal Praud, l’animateur vedette de CNews, ­passait des vacances tranquilles à La Baule lorsque « l’ami Geoffroy », comme il l’appelle, a eu besoin de lui. Geoffroy Lejeune dirigeait encore quelques semaines plus tôt l’hebdomadaire Valeurs actuelles. Sa proximité avec l’extrême droite et les mauvaises ventes du journal lui ont valu d’en être licencié. Il a été recruté comme directeur de la rédaction du Journal du dimanche, une filiale du groupe Lagardère, lui-même en cours de rachat par Vincent Bolloré, déjà propriétaire de CNews. La rédaction s’est mise en grève. Cinq dimanches, déjà, que le journal n’est pas sorti. Geoffroy Lejeune doit publier un numéro, tant bien que mal. Pour remplir la trentaine de pages, il peut compter sur quelques anciens de Valeurs actuelles. C’est peu. C’est voyant. Il lui faut une signature moins militante, plus amusante : une célébrité que les lecteurs peuvent imaginer en train d’acheter, elle aussi, son journal et ses croissants à la boulangerie du coin.

C’est ainsi que Pascal Praud est devenu chroniqueur au JDD lorsqu’il a reparu, le 6 août. Son billet d’humeur occupe une pleine page. Comme à la télé, il s’y veut le porte-parole du Français moyen, plein de bon sens, exaspéré par les moralistes. Il y recycle ses tirades de « L’Heure des pros », son émission de CNews : celles sur « les petits hommes gris » qui nous gouverneraient, ou celles sur « le deux poids, deux mesures » que pratiqueraient les médias, selon qu’ils traitent de l’extrême gauche ou de l’extrême droite.

En cette rentrée, Pascal Praud doit également contribuer au sauvetage d’Europe 1 : une autre propriété de Lagardère, donc bientôt de Bolloré. L’audience de la station s’effondre. Jusqu’en juin, Praud animait avec succès « Les Auditeurs ont la parole », la tranche d’information du midi sur RTL, filiale du groupe M6. Il a accepté d’aller faire la même chose sur Europe 1 dans « Pascal Praud et vous ». A la radio, à la télé, dans la presse, Pascal Praud n’a qu’un seul employeur, Vincent Bolloré. Il veut nous convaincre que le milliardaire n’est pas du genre envahissant. Leur dernier tête-à-tête, selon lui, remonterait à plus d’un an. Depuis, ils n’auraient discuté qu’à deux ou trois occasions, une petite dizaine de minutes à chaque fois. « Je souhaite à tous les salariés de France d’avoir un patron comme Vincent Bolloré, car c’est lui qui me donne ma liberté », nous affirme-t-il.

« La télévision, c’est rien »

Dans le système Bolloré, Pascal Praud est d’autant plus libre qu’il y occupe désormais une position centrale, et inattendue. Lancée il y a sept ans, « L’Heure des pros » inquiète toujours les « bien-pensants », comme on les appelle sur CNews, avec ses chroniqueurs d’extrême droite et ses sempiternels débats sur les dangers supposés de l’immigration ou de l’écriture inclusive. Mais les clashs qui faisaient la réputation de l’émission se sont raréfiés. Pascal Praud s’est assagi, ses cheveux ont blanchi. Les seniors qui le regardent le matin apprécient ses bons mots, ses cabotinages, ses costumes taillés sur mesure chez Hartwood et choisis avec soin — il les apprécie rayés l’hiver et peut oser le seersucker, un coton gaufré, aux beaux jours. Sur la chaîne C8, Cyril Hanouna poursuit ses outrances. Au Journal du dimanche, Geoffroy Lejeune fait fuir sa propre rédaction. Par contraste, Pascal Praud rassure. Il est en passe de devenir le Michel Drucker des réactionnaires.

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