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Le biface de Neandertal, le couteau suisse du premier véritable habitant de la France

Biface en forme de cœur, typique de la période moustérienne, à Saint-Amand-les-Eaux (Nord).

Quand commence l’histoire de France ? Ou, plutôt, du territoire qui s’appelle aujourd’hui la France ? La version « classique » dit que l’histoire débute avec l’écriture et se fonde sur les textes. Ce qui, pour notre pays, réduit la période historique à deux millénaires, les Gaulois n’ayant laissé que très peu d’écrits, dans une langue mal comprise.

Mais, si l’on prend en compte un autre type de document, la source matérielle, issue du sol et mise au jour par la fouille archéologique, l’enquête sur notre passé prend une tout autre dimension. Longtemps cantonné à un rôle de supplétif de l’histoire, l’archéologue, en réalité, pallie ses manques, la complète et, parfois, la contrebalance, car bien des textes n’évoquent qu’une élite.

Alors, si l’on élargit le champ à ce qui se cache sous nos pieds, quand commence l’histoire du territoire nommé aujourd’hui France ? Les plus anciennes traces humaines y remontent à plus de 1 million d’années mais elles restent sporadiques. La première société que les vestiges documentent bien est celle de Neandertal.

Rendons-nous donc à Saint-Amand-les-Eaux (Nord), où, entre avril et août 2007, l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) a fouillé une zone agricole avant qu’elle ne soit transformée en un centre commercial.

Les pierres ont parlé

Personne ne croyait vraiment à la possibilité d’un site néandertalien au pied de cette butte, dans la vallée de la Scarpe, à commencer par le responsable de l’opération, Philippe Feray. Pourtant, comme le raconte cet archéologue de l’Inrap, « on a sorti 11 500 silex, 35 000 si on compte les esquilles ».

Parmi cet abondant matériel lithique, figuraient 75 bifaces taillés dans un silex sombre. « Le biface, explique Philippe Feray, c’est un peu le couteau suisse de l’époque : il sert à découper la peau, la viande, les tendons. Mais, sur ceux qu’on a retrouvés, on avait aussi des impacts qu’on n’arrivait pas à comprendre. » Jusqu’au moment où les chercheurs ont compris que Neandertal se servait de ces pierres pour allumer du feu. Couteau et briquet, donc.

Lire aussi (2020) : Article réservé à nos abonnés Neandertal est en chacun de nous

Même si aucun os n’a survécu en cinquante mille ans, les archéologues sont sûrs que le site était… une boucherie. Les pierres ont parlé. « Les bifaces s’usaient et les néandertaliens devaient les retoucher pour recréer des fils de coupe, exactement comme un boucher prend son aiguisoir pour raviver sa lame », explique Philippe Feray.

Ce qui étonne aussi, quand on voit ces pierres taillées, triangulaires, ovales ou en forme de cœur, c’est leur beauté. « Il y a chez ces artisans une volonté manifeste de faire du beau, c’est assez incroyable. » Un acte gratuit, puisque l’esthétique n’apportait rien à la fonctionnalité de l’objet. On est donc loin de l’image de brute épaisse longtemps accolée à Neandertal.

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