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A Antakya, en Turquie, l’oubli et la désolation six mois après le tremblement de terre : « C’est le chaos, comme si le séisme avait eu lieu hier »

La ville où Mehmet Gül a vu le jour il y a cinquante-huit ans et où il a vécu pratiquement toute sa vie n’est plus qu’un lointain souvenir. Et le quartier où il a grandi, comme tous les autres alentour, un immense champ de ruines. Depuis sa petite cour ombragée, devant sa maison éventrée, Antakya offre un sidérant spectacle de chaos et de désolation. « Plus de six mois après le séisme, la situation est toujours aussi désastreuse. Pire, personne ne sait où nous allons », souffle Mehmet. Jusqu’au tremblement de terre du 6 février et ses innombrables répliques, la ville comptait 400 000 habitants, plus de 1,7 million avec ses environs. Capitale administrative de la province du Hatay, dans le sud de la Turquie, l’antique Antioche, autrefois la troisième plus grande ville au monde, est aujourd’hui quasi déserte, effondrée sur elle-même, comme pulvérisée.

L’air est saturé de bruit et de poussière, le produit de l’incessant chassé-croisé des grues mobiles et des camions chargés à ras bord de ferraille et de détritus. Quelques silhouettes ramassent, ici et là, des tiges et des câbles d’acier. Le kilogramme se monnaie 6 livres turques (20 centimes d’euro) auprès des grossistes encore présents. Près de 92 % de la ville est à reconstruire. Et, selon les chiffres du maire, Lütfü Savas, 90 % de la population est partie vivre ailleurs.

Derrière la tente qui sert depuis le séisme de refuge à Mehmet Gül et à sa famille, le fracas des pelleteuses et des bulldozers redouble d’intensité. « Vous entendez, ils se rapprochent, ma maison sera probablement la prochaine. » Il y a quelques semaines, cet instituteur à la retraite a trouvé un ordre de démolition scotché sur une de ses fenêtres encore intactes. Peu avant, deux policiers étaient venus se présenter. Ils lui ont demandé, à lui et à sa petite famille, s’ils avaient des besoins. « Ils sont venus cinq mois après la catastrophe, 152 jours exactement, vous imaginez ! Je n’ai rien pu leur dire. J’ai toujours cru en l’Etat, mais là, j’ai pris cela pour une insulte. »

Mehmet reconnaît que les secours ont été rapides pour la nourriture et les vêtements. Des tentes ont été fournies. L’électricité refonctionne et l’eau a été rebranchée en avril, même si elle n’est plus potable comme avant. Sa femme, Emel, elle-même à la retraite, précise que la mairie d’Istanbul a aussi beaucoup aidé, en envoyant des conteneurs et du personnel. « Mais pour tout le reste, c’est le chaos, comme si le séisme avait eu lieu hier. Tout est horriblement lent et totalement opaque. »

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