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Les baleines n’étaient pas aussi nombreuses il y a trois siècles qu’on le pensait

Une baleine à bosse plongea à Hestfjorour (Fjords de l’Ouest), en Islande, 2 août 2021.

Professeur de biologie marine à l’université de Groningue, aux Pays-Bas, Per Palsboll prend bien soin de mettre les choses à leur place : « Nous ne sommes que des scientifiques. Pour arrêter une décision sur la pêche à la baleine, il y a beaucoup de critères à prendre en compte et nos résultats ne sont qu’un élément. » Il n’empêche, l’article que son équipe publie dans Science, vendredi 1er septembre, promet de faire des vagues lors des prochaines discussions entre Etats sur la conduite à tenir. Il conclut en effet que la population de baleines à bosse dans l’Atlantique Nord avant l’ère de la pêche industrielle – il y a de cela trois siècles – était beaucoup moins importante qu’on le pensait jusqu’ici : un peu plus de 20 000 individus, loin des 150 000 cétacés envisagés. La population actuelle estimée à 12 000 baleines à bosse serait donc en bien meilleure santé qu’on ne le croyait. Seul Etat européen à continuer la pêche aux cétacés, la Norvège devrait apprécier la nouvelle.

Aussi spectaculaire qu’il soit, ce résultat n’est qu’une conséquence de l’étude présentée dans Science. Le but des chercheurs de neuf nationalités, coordonnés par l’université de Groningue et le Center for coastal studies de Provincetown (Maine, Etats-Unis), était en réalité de déterminer ce que les généticiens nomment le taux de mutations des baleines à fanons, autrement dit la probabilité qu’une mutation intervienne dans le génome d’un individu entre deux générations. Ces mutations sont essentielles : ce sont elles, quand elles sont favorables, qui vont permettre à une espèce de s’adapter aux changements de son environnement ; elles aussi, quand elles sont délétères, qui conduisent au développement de pathologies.

Pour calculer cette valeur, les scientifiques disposaient jusqu’ici de deux méthodes. La première multipliait le séquençage d’individus, déterminait ainsi la diversité génétique de la population, estimait ensuite la date d’apparition de cette espèce dans l’arbre de la vie et le temps passé entre deux générations et en déduisait le fameux taux. Problème : ces deux dernières valeurs apparaissent très difficiles à évaluer avec précision. La seconde méthode consiste à comparer l’ADN des individus actuels à celui de spécimens anciens. Encore faut-il disposer de fossiles de suffisamment bonne qualité.

Méthode dite des « pedigrees »

La nouvelle technique est bien différente. Beaucoup plus simple dans son principe, elle se contente de comparer l’ADN de trios mère/père/enfant. Elle a déjà été abondamment utilisée chez les groupes d’animaux élevés en captivité. Mais ce mode de vie, en lui-même, modifie tous les paramètres. Chez les animaux sauvages, des loups, des mésanges bleues, des phoques… et des ornithorynques ont profité de cette méthode dite des « pedigrees ». L’équipe de Per Palsboll l’a utilisé pour la première fois sur quatre espèces de baleines : bleue, à bosse, boréale et le rorqual commun. « Toute la difficulté, c’est de pouvoir disposer de ces trios, or si les femelles restent souvent avec leurs petits, les mâles peuvent être très éloignés », insiste Marcos Suarez Menendez, premier auteur de la publication.

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