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Quand les Grecs couraient et luttaient pour avoir leur statue dans le sanctuaire de Zeus

Le premier commentateur sportif s’appelle Homère. Au chant XXIII de l’Iliade, le poète grec antique décrit en détail les jeux funèbres qu’en l’honneur de son défunt ami Patrocle, Achille organise, dote et arbitre. Parenthèse dans la guerre de Troie, on voit s’y affronter l’élite des guerriers achéens dans des épreuves comme la course de chars, la boxe, la lutte ou la course à pied.

Rien d’étonnant à trouver pareil récit dans une épopée composée au VIIIe siècle avant notre ère, car c’est vers cette époque que les Grecs formalisent ce que nous appelons « compétition sportive », avec la naissance des plus anciens Jeux, ceux d’Olympie. « La date canonique de ces premiers Jeux olympiques est 776 avant J.-C., mais elle est probablement erronée, signale Jean-Manuel Roubineau, maître de conférences en histoire ancienne à l’université Rennes-II. Archéologiquement, il n’y a rien à Olympie au début du VIIIe siècle av. J.-C. »

Après les concours d’Olympie suivront les Jeux pythiques (à Delphes), isthmiques (dans l’isthme de Corinthe) et néméens (Argos et Némée). En place dès le premier quart du VIe siècle av. J.-C., ce quatuor forme les Jeux panhelléniques. Pourquoi ce foisonnement ? « Le sport surgit dans un contexte où apparaissent les régimes politiques démocratiques, théorise Jean-Manuel Roubineau, et on peut le voir comme une déclinaison de ce phénomène dans le champ du corps. » Le sport est un domaine dans lequel tout citoyen peut se mesurer pacifiquement aux autres.

Il est aussi une prolongation, par d’autres moyens, des confrontations entre cités. « La culture du concours dans le monde grec est très ancienne, ajoute l’historien. Le principe de la compétition infuse toute la culture grecque, y compris dans des domaines où on ne l’attend pas : il y avait des concours de médecine, de sculpture, de théâtre et même de cardeuses de laine ! »

« On ne gagne qu’avec la volonté des dieux »

Professeur d’archéologie et d’histoire de l’art grec à Sorbonne Université, Alexandre Farnoux prévient que la compétition telle que la concevaient les Grecs « n’a rien à voir avec ce que l’on imagine couramment ». « On les a tellement enfermés dans des stéréotypes qu’il faut mener une véritable entreprise de réhabilitation, grâce aux textes, aux images et aux vestiges archéologiques, pour comprendre l’écart entre leurs pratiques et les nôtres, précise-t-il. Pour les Grecs, la compétition ne se fait pas en dehors d’un cadre religieux. »

A Olympie, c’est ainsi Zeus que l’on célèbre, tout comme Apollon à Delphes ou Poséidon à Corinthe. « On rend hommage au dieu en concourant, comme on lui rend hommage par des sacrifices, poursuit Alexandre Farnoux. Ce cadre religieux conditionne tout : on ne gagne qu’avec la bénédiction des dieux, et tricher, c’est aller contre leur volonté. » Quand Ulysse remporte l’épreuve de la course dans l’Iliade, c’est grâce à Athéna qui fait tomber Ajax le Petit. Dans ce contexte, seul le vainqueur, élu des dieux, est honoré.

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