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Interdiction de l’abaya à l’école : les politiques divisés

Le ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse Gabriel Attal visite le collège Bourbon à Saint-Denis de La Réunion,  le 17 août 2023.

« Ce qui crée le conflit, c’est le flou sur la règle. » Pour le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, Gabriel Attal, l’interdiction des vêtements comme l’abaya ou le qamis (longue tunique portée par les garçons) doit permettre aux chefs d’établissements « d’avoir une ligne plus claire au niveau national ». Jusqu’à présent, ils disposaient d’une marge d’interprétation, l’abaya étant tolérée dans certains collèges et lycées, et bannie dans d’autres.

« Dans la très grande majorité des cas les choses se régleront, dès les premiers jours, par du dialogue », estime Gabriel Attal. Cependant, pour qu’aucun chef d’établissement ne se retrouve « seul face à des situations conflictuelles », un « accompagnement humain » est prévu pour la rentrée. « Ce sera plus difficile pour certains établissements », admet le ministre de l’éducation nationale, qui mise beaucoup sur la « pédagogie » et « l’échange avec les familles ».

A gauche, cette interdiction divise la coalition Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), des élus du Parti socialiste (PS) et du Parti communiste français (PCF) l’approuvant notamment au nom du principe de laïcité, La France insoumise (LFI) dénonçant une décision islamophobe, et Europe Ecologie-Les Verts (EELV) une « stigmatisation ».

« Police du vêtement »

« Tristesse de voir la rentrée scolaire politiquement polarisée par une nouvelle absurde guerre de religion entièrement artificielle à propos d’un habit féminin », a ainsi réagi lundi le leader « insoumis » Jean-Luc Mélenchon, en appelant à « la paix civile » et à « la vraie laïcité qui unit au lieu d’exaspérer ».

Donnant le ton de l’exaspération des « insoumis » à l’annonce dimanche soir de cette interdiction, la cheffe de file des députés LFI, Mathilde Panot, avait raillé sur X (ex-Twitter) « l’obsession » de Gabriel Attal : « Les musulmans. Plus précisément, les musulmanes. »

« Jusqu’où ira la police du vêtement ? », s’est indignée aussi la députée LFI Clémentine Autain, jugeant cette décision « anticonstitutionnelle, contraire aux principes fondateurs de la laïcité » et « symptomatique du rejet obsessionnel des musulmans ».

En juin, M. Mélenchon avait affirmé que l’abaya n’avait « rien à voir avec la religion », et que le problème de l’école n’était pas ce vêtement mais « le manque de professeurs ». Il allait dans le sens du Conseil français du culte musulman (CFCM), qui a affirmé que cette longue robe traditionnelle couvrant le corps n’était pas un signe religieux musulman.

Chez les écologistes, la décision de Gabriel Attal est vue comme « une polémique rance pour détourner l’attention de la politique de démantèlement de l’école publique de Macron », souligne Cyrielle Chatelain, cheffe du groupe à l’Assemblée, estimant que « la priorité » n’est pas « d’être dans une logique d’exclusion et de stigmatisation ».

« Une boussole »

La députée Sandrine Rousseau, connue pour ses positions féministes, compare cette annonce à un nouveau « contrôle social sur le corps des femmes et des jeunes filles », à l’instar de « l’interdiction du crop top » annoncée en septembre 2022.

Au sein du Parti socialiste, la décision est accueillie plus favorablement : le député Jérôme Guedj, activement pro-Nupes, rappelle, au nom du principe de laïcité, que « notre boussole, c’est l’interdiction des signes ostensibles à l’école. Dès l’instant où l’abaya ou le qamis sont portés dans une dimension ostentatoire, alors il faut les interdire comme la loi de 2004 le permet, sans difficultés majeures. » Pour lui, « ce n’est donc pas une police du vêtement mais une police du prosélytisme a l’école ». Ce qui ne l’empêche pas de décocher une flèche à Gabriel Attal, invité à « mettre la même énergie pour assurer l’essentiel : garantir un prof devant chaque classe ».

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La députée socialiste Fatiha Keloua Hachi a de son côté ironisé sur « LA priorité de cette rentrée », remarquant qu’« il ne manque pas d’enseignants, d’AESH [accompagnants des élèves en situation de handicap], de médecins scolaires, les classes ne sont pas surpeuplées, la mixité sociale est une réalité partout… »

Réputé pour ses positions parfois à contre-courant au sein de la Nupes, le patron du PCF, Fabien Roussel, a clairement salué l’interdiction. « Parce que les chefs d’établissement avaient besoin de consignes claires même si ça concerne 150 établissements sur les 60 000 que nous avons dans notre pays », a-t-il expliqué lundi sur Sud Radio.

« L’école, temple de la laïcité »

A droite, la décision a été applaudie par Eric Ciotti (LR) sur X : « Nous avions réclamé à plusieurs reprises l’interdiction des abayas dans nos écoles. Je salue la décision du ministre de l’éducation nationale qui nous donne raison. »

« L’école, c’est un temple de la laïcité », a de son côté jugé Olivier Véran. « On vient à l’école non pas pour faire du prosélytisme religieux, mais pour apprendre », a ajouté le porte-parole du gouvernement, expliquant que cette décision a été prise en prenant d’abord en compte les principaux et proviseurs qui auraient demandé un appui plus fort de la part de leur ministère. Olivier Véran a tenu à répondre à « l’extrême gauche » qui critiquerait le gouvernement et a rappelé qu’il existait « d’autres lieux où des adultes ne peuvent pas venir avec des signes religieux ostentatoires », en faisant référence au milieu hospitalier.

Selon les derniers chiffres publiés sur le sujet les signalements pour « atteintes à la laïcité » sont en augmentation de 120 % entre l’année scolaire 2022-2023 et la précédente (4 710, contre 2 167). « Les questions vestimentaires prennent de l’ampleur : elles représentaient 15 % à 20 % des faits rapportés jusqu’au printemps 2022 et dépassent désormais 40 % des remontées mensuelles », a rappelé ce lundi notre journaliste Violaine Morin lors d’un tchat.

« Il y a indiscutablement une offensive idéologique, mais aussi une part de défi sur les réseaux sociaux, de rébellion adolescente… et des proviseurs plus enclins à signaler », explique-t-elle, en précisant que, « dans l’absolu, les établissements concernés sont peu nombreux », jusqu’à 150 (sur 10 000 collèges et lycées), dont quelques-uns seulement avec plus d’une dizaine de cas.

Le Monde avec AFP

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