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Au Royaume-Uni, les habitants du Norfolk seuls face à l’érosion du littoral

Destruction de maisons le long de la route côtière à Hemsby, village dans l’est du Norfolk, en Angleterre, le 9 décembre 2023.

Ce mercredi 29 mai, en pleine semaine de vacances scolaires au Royaume-Uni, les familles avec serviettes et pique-nique convergent vers la plage, bien décidées à profiter du soleil. Les enfants sont excités, l’air sent les frites et les confiseries à Hemsby, village côtier dans l’est du Norfolk, une station balnéaire modeste mais populaire, réputée pour son sable blond. Pour autant, au Lacon Arms, le pub qui fait face à la plage, l’atmosphère est grave : les membres de l’organisation locale Save Hemsby Coastline (« sauvons la côte de Hemsby ») s’y sont rassemblés pour raconter leur détresse. Kevin Jordan, Simon Measures, Lesley Terriss, Ian et Jackie Brennan, et Lorna Bevan, la patronne du pub, font bonne figure, mais souvent l’angoisse pointe et les larmes ne sont pas loin.

L’érosion accélérée sur cette portion est de l’Angleterre a bouleversé leur existence. Le Royaume-Uni fait partie des pays européens enregistrant la plus forte érosion : 28 % des côtes anglaises et galloises se rétractent de plus de 10 centimètres par an (selon une étude du Marine Climate Change Impacts Partnership publiée en 2020). Dans le Norfolk, le retrait des terres est encore plus accentué, « en partie parce que la côte est constituée de dunes de sable ou de falaises “molles” – de la craie surmontée d’argile mêlée à des couches de cailloux – et qu’elle fait face à la mer du Nord, avec de puissants courants accentuant le déplacement des sédiments », explique Jessica Johnson, professeure de géophysique à l’université d’East Anglia, à Norwich.

La côte a toujours bougé dans le Norfolk, « mais jusqu’à présent le sable était happé par la mer durant les tempêtes d’hiver et ramené vers la plage par les courants durant l’été », explique Simon Measures. Ce n’est plus le cas : les dunes qui protègent les maisons des résidents se rétractent de 1 à 2 mètres par an, voire plus en 2023, quand, sous le coup des tempêtes qui ont commencé dès le mois d’août et se sont succédé tout l’automne, la haute dune qui séparait les maisons du sud de la plage a finalement disparu en quelques heures. Dans la foulée, la route desservant le quartier s’est effondrée sur plusieurs centaines de mètres.

« Aucun dédommagement »

En décembre 2023, Kevin Jordan, un ingénieur à la retraite de 70 ans, a reçu un courrier des autorités locales lui demandant d’abandonner sous sept jours sa maison acquise treize ans plus tôt, jugée désormais trop proche de la plage. Quatre de ses voisins ont reçu le même avis. « On m’a dit que, si je ne m’exécutais pas, les travaux de démolition de ma maison seraient à ma charge. Je n’ai reçu aucun dédommagement pour ma maison perdue [elle a été détruite préventivement]. Et je m’estime heureux parce que j’ai été considéré comme vulnérable, à cause de mes problèmes de mobilité. Le conseil municipal de Great Yarmouth [dont dépend Hemsby] m’a attribué un logement social », raconte Kevin Jordan. Ce menuisier amateur a dû vendre tous ses outils, impossibles à ranger dans son nouveau logement, trop petit.

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