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Rachel Khan : « Il y a des mots qui sont des délits, ce n’est pas négociable »

L’actrice et écrivaine Rachel Khan lors du 16ᵉ Festival du film francophone d’Angoulême, le 22 août 2023.

A 47 ans, Rachel Khan a eu plusieurs vies. Juriste de formation, passée par le cabinet du socialiste Jean-Paul Huchon à la région Ile-de-France, dont elle était conseillère à la culture, puis codirectrice de La Place, le centre culturel hip-hop de la Ville de Paris, l’essayiste et désormais actrice a ensuite rallié La République en marche. Critiquant sur le réseau social X (anciennement Twitter) l’invitation faite par Les Verts ce week-end au rappeur havrais Médine, elle – dont la mère, juive, a échappé aux camps de la mort et le père est originaire de Gambie – s’est attiré les foudres du chanteur avec un message qui a provoqué le scandale. Culture du clash, poids des mots, rôle des artistes : l’intéressée sort pour la première fois du silence.

Le tweet « ResKHANpée » du rappeur Médine détournant votre nom de famille a suscité une polémique toute la semaine, pourtant on ne vous a pas entendue. Pourquoi ?

J’étais membre du jury du Festival du cinéma francophone d’Angoulême et je ne voulais pas que le débat politique vienne parasiter cet événement culturel. J’ai laissé les autres prendre la parole pour moi. Je suis contente de voir les réactions qui ont traversé la sphère politique pour rappeler les valeurs de la République, jusqu’au sein même des Verts, qui sont ma famille d’origine. Médine est un multirécidiviste de paroles de haine. Il fait ses excuses et à chaque fois, il revient avec un nouveau truc : la quenelle, les attaques homophobes et antisémites, la laïcité, et maintenant cette attaque sur mon nom. Il y a des mots qui sont des délits, ce n’est pas négociable.

Vous considérez qu’il n’a pas fait d’excuses ?

Il m’a attaquée de façon personnelle sur mon parcours, mes idées. Et s’excuse de manière générale. Il dit : oui, j’ai pu heurter des gens. Quand on est artiste – c’est ce que disait Camus – on est embarqué dans les galères de son temps, mais on a une responsabilité. On avait les Simone Signoret, les Yves Montand, un patrimoine français avec des gens, des artistes qui s’étaient éperdument engagés. En tant qu’artiste, Médine a le sens des mots. « Crucifions les laïcards comme à Golgotha », chante-t-il. Pour la philosophe Hannah Arendt, le mot est le début de l’action. J’ai mal à cette gauche qui ne défend plus les principes républicains qui sont les siens.

Qu’est-ce qui se joue derrière cette polémique ?

Cette violence profonde qui resurgit me ramène à ce que j’écrivais en 2021 dans Racée [éditions de l’Observatoire, 2021]. C’est comme si ma couleur de peau leur appartenait et parce que j’ai cette peau-là je suis traitée de traître. Quand, à la sortie de Racée, l’extrême droite me lance « Khanania » en référence à Banania [la marque de chocolat dont le visuel est le visage réjoui d’un homme noir], c’est comme « ResKhanpé ».

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