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Comment annoncer un cancer à ses patients ? Les futurs médecins apprennent le tact et l’empathie avec des ateliers de théâtre

En habit de radiologue derrière son bureau, Nina C. explique en montrant l’écran de son ordinateur : « Il y a une masse. Ce qui m’inquiète un peu, c’est qu’elle est caractéristique de quelque chose de méchant. Et malheureusement, certaines cellules ont migré dans le foie. − C’est grave ? s’inquiète la femme qui lui fait face. − Oui, c’est grave », confirme Nina, qui sait bien ce qu’un cancer du pancréas métastasé signifie. Rideau. La patiente est une comédienne et la « radiologue », étudiante en sixième année de médecine, participe à un atelier théâtre de quelques heures qui initie les futurs soignants à l’annonce d’un cancer, en partenariat avec l’Ecole nationale supérieure d’art dramatique de Montpellier. Elle a eu quinze minutes pour se préparer à partir d’un scénario tiré au sort.

« Il y a eu pas mal de choses bien, mais il faut éviter certains mots : grave, méchant, malheureusement…, souligne Marc Ychou, professeur d’oncologie digestive. Tu peux par exemple dire que “c’est sérieux”. » A l’initiative de cet atelier à la faculté de médecine de Montpellier-Nîmes, ce passionné de théâtre ajoute à l’attention des autres étudiantes présentes ce jour-là : « Les éléments médicaux donnés laissent penser que la patiente est condamnée. Attention, c’est un premier rendez-vous : il ne faut pas en dire trop. » Il insiste : en consultation d’annonce, les patients sont particulièrement sensibles à l’attitude du professionnel de santé. D’autant que ce rendez-vous va changer leur vie, et que nombre d’entre eux se retrouvent en état de sidération.

Selon l’enquête « Face au cancer, l’épreuve du parcours de soins », réalisée par La Ligue contre le cancer en 2018, l’annonce est le moment « le plus difficile à vivre » du parcours de soins pour un tiers des sondés. Elle souligne « le manque d’écoute de la part des soignants », qui focalisent leur information sur les aspects médicaux du cancer, au détriment des autres composantes de la vie des patients.

Langage corporel

Aux côtés du professeur Ychou, le metteur en scène Serge Ouaknine, 80 ans – il en paraît dix de moins –, dont plusieurs proches sont médecins ou ont été concernés par le cancer. Les deux se connaissent depuis une vingtaine d’années. Plus jeune, le spécialiste a suivi des cours de théâtre au conservatoire. « Le théâtre m’a énormément appris pour gérer ma relation aux patients et à leur famille, et ainsi être dans l’empathie tout en gardant une distance clinique. On s’est dit avec Serge qu’il fallait former les médecins aux enjeux du non-verbal lors de l’annonce. »

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