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« Kanaky » dans « Le Monde », quarante ans de revendication identitaire en Nouvelle-Calédonie

Des militants du Front de libération nationale kanak socialiste (FLNKS) occupent un pont et dressent un barrage, près de Thio, le 29 Novembre 1984. Quelques jours auparavant, le 18 novembre 1984, des militants avaient défoncé une urne à coups de hache pour illustrer symboliquement la détermination des indépendantistes Kanak à boycotter les élections territoriales.

Ces dernières semaines, en Nouvelle-Calédonie, un mot, « Kanaky », résonne très fort. C’est celui que l’on crie dans la rue et qu’on affiche sur des pancartes. Dans un article daté du 21 mai, Nathalie Guibert cite une militante : « Macron a maté les “gilets jaunes” chez lui, mais, ici, il n’est pas chez lui. Ici, c’est notre pays ! Tu es en Kanaky, ici ! Ici, c’est chez nous ! »

Kanaky, plus rarement orthographié « Kanakie », le nom que les Kanak donnent à leur territoire, apparaît pour la première fois dans Le Monde le 26 septembre 1984 sous la plume de Frédéric Filloux. Le journaliste décrit la naissance d’une nouvelle coalition, le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), qui réclame l’indépendance : « La future république socialiste mélanésienne que souhaite créer le FLNKS s’appellera Kanaky, qui signifie “pays de l’homme”, et se veut “une république socialiste décentralisée et démocratique sans distinction de race, de sexe, de religion et d’opinion dans la limite de la souveraineté de l’État” ».

Appelant au boycott des élections territoriales de novembre 1984, le FLNKS proclame le « gouvernement provisoire de Kanaky », à la fin du mois de novembre, mené par Jean-Marie Tjibaou. Le 27 novembre 1984, l’information fait la une du journal. Dans un long article relatant les troubles qui agitent l’archipel, le leader indépendantiste avertit : « Si la France décide de nous écraser militairement, elle le peut. Mais le problème ne sera jamais détruit, notre revendication existera toujours. Les gens issus du ventre de ce pays ne se tairont jamais. »

Déchirement et réconciliation

Sur place, la situation s’aggrave. Dix militants indépendantistes, tous issus de la tribu de Tiendanite, ont été tués par balles par des Européens. « Les dix cercueils de bois verni viennent d’arriver de la morgue de Nouméa, en Puma et camions militaires. Les femmes, toutes les femmes de la tribu, sont recroquevillées sur les cercueils recouverts du drapeau de “Kanaky” », décrit Daniel Schneidermann, le 10 décembre 1984.

Envoyé spécial à Bourail, où vit une importante population caldoche, le journaliste décrit quelques jours plus tard, le 22 décembre, ce panneau placé sous un drapeau français : « Kanaky pas question, on reste. » Il rencontre le maire, épuisé, et des Européens prêts à en découdre, qui ne veulent « rien de moins qu’affamer les tribus hostiles ».

Lorsque Pierre Joxe, alors ministre de l’intérieur, rend visite au grand chef de la tribu de Petit-Couli, il est accueilli par un vibrant « Vive la France, vive Sarraméa, vive Petit-Couli et… vive Kanaky ! », décrit Edwy Plenel, envoyé spécial du Monde, le 20 janvier 1986. À Hienghène, poursuit le journaliste, « M. Jean-Marie Tjibaou force le message », en offrant un drapeau indépendantiste à son visiteur. L’article est titré « Vive la France ! Vive Kanaky ! » : c’est la première fois que ce nom apparaît dans un titre.

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