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Le dodo de l’île Maurice se réveille au Muséum national d’histoire naturelle de Paris

Ce jeudi 14 mars, un bruit de marteau-piqueur traverse l’atelier de taxidermie du Muséum national d’histoire naturelle de Paris. Pas de travaux en vue, pourtant, au rez-de-chaussée de la Grande Galerie. Ni de l’autre côté des soupiraux, qui donnent sur l’extérieur. Dans la pièce, ils sont deux à s’affairer. Le sculpteur Camille Renversade, poinçon en main, se concentre sur le bec d’un dodo déjà tout en plumes. Le taxidermiste Vincent Cuisset peint à l’aérographe le plastron du second, qui attend, encore dénudé, sur la table voisine. Et ce sont ce pistolet à peinture, son compresseur et la soufflerie associée permettant de colorer les plumes en profondeur sans qu’elles se collent qui maltraitent les oreilles du visiteur. D’un geste, le taxidermiste invite à patienter. Juste deux minutes. Enfin, il pose l’instrument en s’excusant. Une douce musique, jusqu’ici inaudible, occupe la pièce. « C’est la dernière ligne droite. Hier j’ai fini à minuit. J’y suis depuis 6 heures ce matin. On est en retard et on n’a vraiment pas le droit à l’erreur. »

Le couple de drontes de Maurice sera l’« invité d’honneur » du week-end de célébration des 30 ans de la Grande Galerie de l’évolution, samedi 23 et dimanche 24 mars. Spectacles, ateliers, parcours spéciaux et visites nocturnes ont été mis au menu de cette institution, qui a accueilli plus d’un million de visiteurs en 2023. Autant de réjouissances temporaires, dans ce haut lieu de popularisation de la science et de découverte de la richesse du vivant. Les dodos, en revanche, resteront à demeure à l’entrée de la galerie des espèces disparues, là où a longtemps trôné un de leurs cousins, sculpté dans le plâtre en 1901. « Ils accueilleront les visiteurs, avec ce regard curieux qui, d’après les témoignages, était le leur lorsque les marins portugais et hollandais ont débarqué à l’île Maurice, poursuit Camille Renversade. Les dodos n’avaient jamais connu de prédateurs, jamais vu d’humains. Comment pouvaient-ils imaginer que nous allions les exterminer ? »

Au fil des siècles, Raphus cucullatus, son nom scientifique, est même devenu le symbole absolu de ces espèces éteintes par notre seule faute. Pourquoi lui alors que, à ce triste jeu, Sapiens en a liquidé bien d’autres ? D’abord parce qu’en ce qui le concerne aucun doute ne persiste quant à notre responsabilité. Certes, sa chair était réputée médiocre. « Plus on le cuit, moins il est tendre et plus il est insipide », témoignait l’amiral Wybrand van Warwijck, en 1598, dans son journal de voyage. Les Hollandais avaient même surnommé l’animal Walghvogel, l’« oiseau répugnant ». Mais, pour des marins affamés, réduits parfois pendant des semaines au régime sec des biscuits avariés, il n’était pas question de faire la fine bouche. Surtout, les navires apportaient, dans leurs cales, d’autres visiteurs, chats, rats, porcs, puis bientôt des macaques. Autant de prédateurs qui s’attaquèrent aux œufs pondus à même le sol et aux juvéniles. Si bien que l’oiseau a rapidement disparu, vraisemblablement pendant la décennie 1660.

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