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L’argument des accords de Munich, utilisé par Emmanuel Macron dans le contexte de la guerre en Ukraine, a ses limites historiques

Le chef du gouvernement français Edouard Daladier (au centre) avec Adolf Hitler, lors de la conférence de Munich, en septembre 1938.

« Je suis frappé par la ressemblance entre le moment que nous vivons et celui de l’entre-deux-guerres », avait déclaré Emmanuel Macron, le 1er novembre 2018, soulignant le « risque » de voir l’Europe « se démembrer par la lèpre nationaliste et être bousculée par des puissances extérieures ». Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le président de la République est toujours hanté par le souvenir de la période, mais ses références ont évolué au gré de sa politique : alors qu’en juin 2022, son appel à « ne pas humilier la Russie » était une allusion transparente au sort réservé à l’Allemagne par les vainqueurs de la première guerre mondiale, le discours qu’il a tenu à Prague, le 5 mars, exhortant ses alliés à ne pas être « lâches » face à une Russie devenue « inarrêtable », renvoie directement à l’échec de la politique d’apaisement des démocraties européennes envers le IIIe Reich. Il y a deux ans, Emmanuel Macron ne voulait pas être le Clemenceau du traité de Versailles (1919) ; désormais, il se refuse à être le Daladier des accords de Munich (1938).

Que le président français ait choisi Prague pour réveiller le spectre de Munich ne doit rien au hasard : dans la nuit du 29 au 30 septembre 1938, c’est la Tchécoslovaquie que le président du Conseil français, Edouard Daladier, et le premier ministre britannique, Neville Chamberlain, offrirent en pâture à Adolf Hitler, espérant qu’en lui permettant d’annexer la région germanophone des Sudètes, ils allaient sauver la paix. Deux années après le début de l’agression russe et alors que la situation stratégique et diplomatique de l’Ukraine s’est sensiblement dégradée depuis quelques mois, l’analogie vise très clairement à remobiliser les alliés de Kiev et à souligner la gravité du moment, dans l’espoir de conjurer le risque d’une « fatigue » des opinions publiques.

Ce faisant, le chef de l’Etat n’a fait que réactiver une référence profondément ancrée dans l’imaginaire politique français, « Munich » s’étant imposé comme « le cri de ralliement de tous ceux qui jugent immoral, inutile et contre-productif de traiter avec le diable », pour reprendre la formule de l’historien Pierre Grosser. « Hier Daladier et Chamberlain, aujourd’hui Le Pen et Orban. Les mêmes mots, les mêmes arguments, les mêmes débats. Nous sommes à Munich en 1938 », n’a ainsi pas hésité à lancer Valérie Hayer, tête de liste de la majorité présidentielle aux élections européennes, samedi 9 mars à Lille, lors de son premier meeting de campagne.

De l’après-guerre à aujourd’hui

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