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« John Commons est l’un des fondateurs d’une approche de l’économie où la société joue un rôle plus important que les seules forces du marché »

Si vous n’avez jamais entendu parler de John Rogers Commons (1862-1945), c’est normal : son ouvrage majeur, Institutional Economics. Its Place in Political Economy (Macmillan, 1934), lourd de plus de 900 pages, vient seulement d’être publié en français par les Classiques Garnier sous le titre L’Economie institutionnelle, dans une traduction complétée par une introduction sur l’actualité de cette œuvre, une biographie de cet économiste américain oublié qui fut aussi un acteur politique du New Deal – il mit en place pour le compte de l’administration Roosevelt les assurances sociales (Social Security Act, 1935) et les lois sociales (Wagner Act, 1935) – et par une étude comparative entre son œuvre et celles de Karl Polanyi (1886-1964) et de Proudhon (1809-1865)… Deux mille vingt pages au total, seize ans de travail par une équipe essentiellement franco-québécoise emmenée par Jean-Jacques Gislain (université Laval, Québec) et Bruno Théret (Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales-université Paris-Dauphine-PSL/CNRS).

Car John Commons est, avec Adam Smith (1723-1790) pour les économistes classiques, John Stuart Mill (1806-1873) pour les libéraux et Karl Marx (1818-1883) pour les marxistes, un des rares penseurs qui aient produit, avant Keynes (1883-1946), une théorie complète du fonctionnement de la société en croisant de nombreuses disciplines : droit, éthique, sociologie, économie, histoire, philosophie, science politique.

Il est, avec Thorstein Veblen (1857-1929) et Wesley Clair Mitchell (1874-1948), l’un des fondateurs de l’institutionnalisme (une approche de l’économie où, pour faire très court, la société joue un rôle plus important que les seules forces du marché), mais dans sa variante « pragmatiste », une école philosophique américaine héritière de John Dewey (1859-1952) et Charles Peirce (1839-1914) à la fin du XIXe siècle.

Concept de « futurité »

Quelques écrits de John Commons étaient connus des spécialistes de l’économie industrielle, car il fut un des premiers à s’intéresser aux relations de travail. A partir de ce terrain et d’une approche des fondements du droit, Commons propose une vision de l’économie capitaliste dans laquelle ce ne serait pas des biens matériels, des marchandises ou des services qui seraient échangés, mais des droits de propriété. Les agents économiques contractent, à travers ces échanges, des dettes qui obéissent non pas aux règles du marché, comme l’envisage l’économie classique, mais à des règles juridiques et éthiques sans cesse transformées par la confrontation au réel et à l’histoire, dans une approche « adaptative » provenant du darwinisme.

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