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Le grand malentendu sur « la valeur travail »

« Le premier combat de mon gouvernement, c’est le travail. » La formule du premier ministre dans sa déclaration de politique générale, le 30 janvier, ouvrait un champ des possibles. Vite réduit. « C’est veiller à ce que ceux qui se lèvent tôt, qui travaillent, gagnent toujours plus que ceux qui ne travaillent pas », a expliqué Gabriel Attal.

« La France qui se lève tôt », mantra de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007, centrée sur la « valeur travail ». La recherche de l’expression sur Google exhume directement un article du site du quotidien 20 Minutes sur un déplacement du candidat au marché de Rungis avec « ceux qui se lèvent tôt ». Que constate le journaliste ? Déjà, un décalage entre le discours et la réalité : « Accueilli plutôt chaleureusement, le candidat de l’UMP en est ressorti conforté dans ses convictions de “vouloir libérer le travail, qu’il soit enfin récompensé”, même si les employés du marché lui ont surtout parlé de pénibilité et de retraite à 55 ans pour les travailleurs de nuit. »

Dix-sept ans ont passé, mais la rhétorique de Gabriel Attal est la même, classique à droite de l’échiquier politique : il faut « déverrouiller le travail », « inciter à l’activité », en obligeant les bénéficiaires du RSA à travailler, en supprimant l’allocation de solidarité spécifique pour les chômeurs en fin de droits, en réduisant les droits au chômage des seniors. Et que le travail paie plus, au-dessus du smic en tout cas.

Crises en série

Les « défis » que constituent « l’équilibre vie personnelle-vie professionnelle, la question des horaires, des méthodes de management ou du télétravail » ne sont effleurés qu’en une phrase. Le mot « travail » est scandé près de trente fois, mais il n’est, au fond, jamais question du travail concret, vécu, qui fait le quotidien des Français.

Ces dernières années, plusieurs crises ont pourtant profondément interrogé cette « valeur travail » tant de fois rebattue. Qui étaient les « gilets jaunes » qui revendiquaient en 2018 de pouvoir vivre dignement de leur travail et ont manifesté si vivement leur mal-être démocratique ? Des auxiliaires de vie, des aides-soignantes, des agents logistiques, métiers aux rythmes intenses, mal payés, aux collectifs de travail atomisés.

La pandémie de Covid-19 et ses confinements ont posé la question de la reconnaissance, du sens du travail et de l’utilité sociale, en démontrant combien les métiers peu considérés se révélaient « essentiels ».

En 2023, des Français usés ont nourri les denses cortèges contre la réforme des retraites, abasourdis de devoir travailler deux ans de plus sans meilleure prise en compte de la pénibilité. Tous décrivaient la dégradation de leurs conditions de travail, la réduction des équipes et des délais, dans une course à la rentabilité, génératrice d’accidents du travail.

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