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Le lion et la fourmi, une fable moderne

Des lions dans une savane au Kenya. Cette image a été diffusée par l’université du Wyoming, à l’origine de l’étude grandeur nature sur les effets en cascade de l’irruption de la fourmi invasive.

C’est une sidérante illustration, grandeur nature, de la morale d’une histoire contée, voici plus de trois siècles et demi, par le plus fameux de nos fabulistes. « On a souvent besoin d’un plus petit que soi », glissait Jean de La Fontaine dans Le Lion et le Rat (Fables, 1668).

De lion, il est aussi question dans cette fable authentique, relatée dans la revue Science du 25 janvier. De lions chasseurs et d’insectes envahisseurs, mais aussi d’éléphants brouteurs et de zèbres sprinteurs ; sans oublier l’acacia siffleur, cet épineux protagoniste. Tout se joue, de fait, au creux de ses branches et autour de son tronc, où gravite tout ce beau monde – à condition que cet arbre résiste, comme on le verra.

Surtout, cette histoire est un saisissant exemple de l’effet papillon : ou comment, à partir d’un événement minuscule – du moins en apparence –, des répercussions en cascade finissent par produire un effet spectaculaire. Une créature lilliputienne, ici, conduira le roi des animaux à s’incliner : il devra changer de régime alimentaire, délaissant les zèbres, ses proies favorites, pour les buffles, une prise autrement coriace. Au final, tout l’écosystème sera perturbé.

Un bel exemple de mutualisme

Tout commence en 2003, quand une redoutable bestiole se met à envahir la savane du centre du Kenya : la fourmi à grosse tête (Pheidole megacephala), une des cent pires espèces invasives, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature. D’où venait cette envahisseuse ? Mystère. Une certitude : sa diffusion est liée à la circulation des personnes et des marchandises, donc aux activités humaines.

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Une hallucinante série de péripéties suivra cet événement perturbateur, montre le récit retracé par des équipes des universités du Wyoming (Etats-Unis) et de Nairobi (Kenya). Douglas Kamaru et ses collègues ont méticuleusement reconstitué chacun des maillons de cette réaction en chaîne, en combinant les observations de terrain, des expérimentations sur des parcelles et un suivi des animaux tout au long de cette « expérience naturelle » de dix-huit ans.

Premier effet : l’insecte à grosse tête a chassé sa cousine indigène, la « fourmi des acacias » (Crematogaster spp.). Celle-là même dont le lion (Panthera leo) avait besoin. Car cette fourmi native, en temps normal, protège l’acacia siffleur (Vachellia drepanolobium), qui lui-même offre une cache au fauve, adepte de la chasse à l’affût. L’arbuste offre le gîte à l’hyménoptère qui, en échange, le préserve des voraces herbivores. Quand un éléphant entre en contact avec un acacia colonisé par un essaim, il se fait mordre par l’insecte et bat en retraite.

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