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« Trotskisme : histoires secrètes » : Mélenchon et l’héritage lambertiste

Que reste-t-il du trotskisme ? Et de sa déclinaison la plus secrète, le lambertisme, ce mouvement fondé par Pierre Boussel (1920-2008), alias Lambert, auquel a appartenu Jean-Luc Mélenchon ? Deux ex-lambertistes, Laurent Mauduit, ancien journaliste du Monde, et cofondateur de Mediapart, et Denis Sieffert, qui fut le directeur de l’hebdomadaire Politis, offrent dans Trotskisme, histoires secrètes (Les Petits Matins, 464 pages, 25 euros) une plongée fascinante dans l’histoire d’un mouvement « léniniste », réputé « sectaire », « violent », mais qui a formé des hommes politiques de premier plan – Lionel Jospin en tête – et exercé son influence au sein de Force ouvrière, avec des syndicalistes de renom, tels que Marc Blondel ou Jean-Claude Mailly.

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Les deux auteurs reviennent sur la genèse du mouvement, né en 1952 d’une scission entre les « pablistes », partisans d’une alliance avec les communistes, et les lambertistes, qui préféraient un parti indépendant, fût-il minoritaire, pourvu qu’il reste « fidèle à Trotski, au marxisme et à la lutte des classes ». Le très « redouté » Pierre Lambert, personnage « couleur de muraille », y est décrit par le menu. L’ancien syndicaliste, aux allures de « prolo », qui a transmis « pour le meilleur et pour le pire », incarnait « l’idéologie du chef », donnait du « sens au monde des militants », « jeunes pour la plupart », « en quête d’idéal et assoiffés d’actions ». Implacable « procureur », il pratiquait aussi « l’exclusion à foison ».

« Aversion tragique » pour la démocratie

Combien de temps Jean-Luc Mélenchon a-t-il fréquenté Pierre Lambert ? Ce mystère alimente de longue date les conversations de la gauche radicale. L’intéressé lui-même aime relativiser ce court épisode de sa jeunesse. Sa propre exclusion au bout de trois ans de l’Organisation communiste internationaliste (OCI) serait, selon lui, la preuve de sa rupture avec Pierre Lambert. Les auteurs formulent une autre hypothèse, appuyée sur un faisceau d’indices : le triple candidat à la présidentielle n’aurait jamais rompu avec cet ancien mentor, qui l’aurait, comme Jospin, « placé à l’intérieur du PS ». Ce n’est certainement pas un hasard si Jean-Luc Mélenchon a renoué avec le trotskisme de sa jeunesse, en développant des liens de grande proximité avec le Parti ouvrier indépendant, héritier de l’OCI.

Il reste que la ressemblance entre les deux hommes est troublante. Mélenchon dispose, comme Pierre Lambert, « d’une grande culture politique » et d’« une passion pour la théorie », tandis que sa politique est « forcément souverainiste et antieuropéenne », « forcément autoritaire ». Le septuagénaire affiche aussi une grande appétence pour les « manœuvres », les « coups tordus » et les « exclusions ». Ironie de l’histoire, Alexis Corbière, un ancien lambertiste devenu député « insoumis », a d’abord été banni par Lambert avant d’être mis au ban de La France insoumise (LFI) par Jean-Luc Mélenchon fin 2022. Même si « Mélenchon est intellectuellement séduisant », son « aversion tragique » pour la démocratie crée pour LFI un « plafond de verre », donnant l’image d’une « gauche agitée, mais impuissante » face à Emmanuel Macron.

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