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Chez Cooperl, géant breton du cochon, un groupe d’éleveurs frondeurs veut renverser la direction

Un camion de la Cooperl, en 2015.

Ils ont donné rendez-vous au Monde dans une zone commerciale de la banlieue de Saint-Brieuc. Discrétion oblige. Dans le recoin d’un café, deux éleveurs de cochons détaillent la « partie d’échecs » actuellement à l’œuvre à Cooperl Arc Atlantique, principale coopérative porcine française (2,79 milliards de chiffre d’affaires en 2022, 3 000 agriculteurs associés et 7 700 salariés). Ces agriculteurs refusent de donner leurs noms et prénoms. Débit mitraillette, Bertrand – prénom d’emprunt – explique : « Nous devons, pour l’heure, rester anonymes pour éviter des représailles. Ce que vous devez comprendre, c’est que nous parlons au nom d’un collectif de 308 agriculteurs décidés à reprendre en main leur coopérative. »

Le nombre et les identités de ces éleveurs ont été confirmés par le cabinet parisien d’avocats Chatain Associés qui s’est chargé de réclamer en leur nom la révocation de l’intégralité du conseil d’administration de la coopérative et l’élection d’une nouvelle équipe à l’occasion de l’assemblée générale annuelle programmée le 21 juin. Voilà qui ressemble à une tentative de coup d’Etat en règle. Maître Antoine Chatain cite les statuts du groupement qui autorisent cette manœuvre à condition d’être fomentée par un dixième des adhérents.

Un tel mouvement de fronde détonne dans ce monde agricole qui a souvent la réputation d’être féroce à l’encontre de ceux qui perturbent l’ordre établi. D’autant plus qu’il intervient au sein de la puissante Cooperl Arc Atlantique, présidée par Bernard Rouxel qui n’a pas souhaité répondre aux sollicitations du Monde.

Opacité de la gouvernance

Cette entreprise est une locomotive économique en Bretagne, région où la moitié des porcs français sont élevés. Le groupement figure parmi les dix plus importantes coopératives du pays, des mastodontes qui orchestrent et commercialisent la production de la majorité des agriculteurs. Nombre de ces entreprises sont critiquées pour l’opacité de leur gouvernance, mais aussi de leurs résultats.

C’est particulièrement vrai à Cooperl Arc Atlantique que le grand public a découvert à l’occasion de l’affaire du « cartel du jambon ». Le groupe breton a été condamné avec une dizaine d’autres pour des ententes sur les prix. Le 7 mars 2024, la cour d’appel de Paris a confirmé la condamnation de Cooperl Arc Atlantique, mais a allégé l’amende à 13 millions d’euros. L’entreprise a annoncé son pourvoi en cassation.

Assis aux côtés de Bertrand, Grégoire – un prénom d’emprunt – tient à défendre sa coopérative comme un outil « nécessaire ». Il dit se mobiliser pour « rétablir la démocratie » au sein d’une structure qui agit « désormais comme un rouleau compresseur ». Lié par un contrat renouvelable de cinq ans, l’éleveur s’agace de payer produits et services plus chers à sa coopérative qu’ailleurs alors qu’elle négocie les bêtes à des prix moins intéressants que ceux pratiqués au Marché du porc breton, la référence nationale.

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