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Droit social : « Les professionnels de la route alertent sur le sujet depuis plus de dix ans »

Camions sur le parking de la station service Hazeldonk, au Pays Bas

L’affaire avait fait grand bruit des deux côtés de la Manche. Le 17 mars 2022, la compagnie P&O, qui assure la navette maritime entre la Grande Bretagne et le continent, licencie brutalement 786 marins sans préavis. Protégée juridiquement par son pavillon chypriote, elle les remplace par d’autres employés payés au-dessous des salaires minimaux britannique et tricolore, soit jusqu’à 60 % inférieurs au smic français, et œuvrant sept jours sur sept quatre mois d’affilée.

Une entorse au droit social, mais aussi à celui de la concurrence, puisque, selon les organisations professionnelles, leur coût de production était devenu inférieur de 35 % à ceux des bateaux français. Face à l’émoi collectif, le gouvernement français a fait voter, le 26 juillet 2023, une loi qui impose le salaire minimal français aux équipages, quel que soit le pavillon de l’embarcation ainsi que des durées minimales de repos à terre. Les décrets ont été publiés le 28 mars et devraient entrer en application en ce mois de juin.

Il a donc fallu trois ans après l’arrivée sur le marché de cette nouvelle concurrence aux couleurs chypriotes pour en atténuer les effets néfastes. Cela risque d’être encore plus long dans le cas des camions. Les marins de la route n’arborent pas le drapeau de Chypre, mais celui de la Lituanie, nouvelle terre d’accueil des entreprises de transport aux pratiques douteuses, parfois proches de l’esclavagisme. On y retrouve désormais des populations similaires à celles qui triment dans les soutes des cargos et autres ferries dans le monde. Elles viennent d’Europe et d’Asie centrale, voire des Philippines.

Accès de colère

Les professionnels du secteur alertent sur le sujet depuis plus de dix ans. Avant les Tadjiks et les Kazakhs, plus récents, Polonais, Ukrainiens ou Biélorusses sillonnaient les routes d’Europe. La Commission européenne s’est emparée du sujet et a fait adopter en 2020 un « paquet mobilité » qui vise à réglementer les conditions de travail des chauffeurs dans le secteur du transport routier de marchandises et de voyageurs au sein de l’Union européenne (UE). Mais les moyens de contrôle restent modestes au regard des dizaines de milliers de camions qui, chaque jour, traversent les frontières de Belgique, de France ou d’ailleurs.

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Cette situation a deux conséquences bien connues. La première est la distorsion de concurrence qui a décimé la profession à l’ouest de l’Europe, du moins pour le trafic international. Régulièrement, les accès de colère des routiers reviennent sur le devant de l’actualité. En février, ils ont par exemple bloqué l’immense centre logistique de Saint-Quentin-Fallavier pour protester contre la « concurrence déloyale venue de l’Est ».

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