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Standard & Poor’s : une mauvaise note pour la crédibilité économique de la France

Le couperet a fini par tomber. Après plusieurs alertes restées sans suite ces derniers mois, la note souveraine de la France a été abaissée, vendredi 31 mai, par l’agence Standard & Poor’s (S&P) de AA à AA −. Cette dégradation est notamment la conséquence logique d’une séquence budgétaire chaotique. La mauvaise appréciation du ralentissement de la croissance par le gouvernement l’a conduit à surestimer de 21 milliards d’euros les recettes fiscales en 2023. Cet optimisme coupable a fait dérailler la trajectoire budgétaire avec un déficit beaucoup plus lourd que prévu.

Au pied du mur, le gouvernement a annoncé dans la précipitation 20 milliards d’euros d’économies qui restent à détailler, sans oser affronter l’Assemblée nationale, où il ne dispose que d’une majorité relative. Alors que la menace d’une motion de censure plane, le projet de loi de finances pour 2025 s’annonce particulièrement ardu à construire, sans compter les efforts à accomplir d’ici à la fin du quinquennat.

S&P s’inquiète d’autant plus de la situation que le poids de la dette (qui dépasse 3 100 milliards d’euros) par rapport au PIB va continuer d’augmenter dans les prochaines années. Tandis que la plupart des pays de la zone euro amorcent une phase de désendettement, la France reste sur la pente inverse. Le doute s’installe sur la capacité du gouvernement à tenir ses objectifs de réduction du déficit. Seul le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, s’accroche encore à l’idée de pouvoir descendre sous les 3 % du PIB en 2027.

Le tocsin de l’agence de notation américaine risque néanmoins de se faire davantage entendre sur le plan politique qu’auprès des marchés financiers. Ceux-ci ont déjà une photographie assez précise de la situation, et l’appétit des investisseurs pour une dette française protégée par le parapluie de l’euro ne va pas s’écrouler du jour au lendemain.

Dans le piège budgétaire

L’effet risque d’être plus palpable auprès de l’opinion. Cette dégradation peut servir de justification au gouvernement pour les tours de vis budgétaires à venir. Mais elle contribue surtout à affaiblir la crédibilité économique de l’exécutif, qui prétendait contenir les déficits en dopant la croissance par la politique de l’offre. L’illusion a été rompue par la brusque remontée des taux d’intérêt et le ralentissement de la croissance européenne. Il est alors apparu que le gouvernement, au demeurant fortement encouragé par les oppositions, avait prolongé au-delà du raisonnable la politique du « quoi qu’il en coûte ».

A une semaine des élections européennes, cette dégradation donne le sentiment que le pouvoir actuel n’a finalement pas fait mieux que ceux qui l’ont précédé. Elle renvoie aux Français l’image d’un pays bloqué, faute de marges de manœuvre financières. La sanction vient fragiliser le leadership européen auquel prétend Emmanuel Macron au lendemain de son deuxième discours de la Sorbonne. Difficile d’entraîner le continent lorsque son propre pays est pris dans le piège budgétaire.

Pour les oppositions de tous bords, qui pourtant, ces dernières années, ne se sont guère préoccupées de l’équilibre des comptes publics, l’occasion de fustiger la légèreté du gouvernement en matière budgétaire est trop belle. Leur joie mauvaise serait pourtant malvenue. L’avertissement de S&P ne vaut pas seulement pour le chef de l’Etat, mais pour le pays tout entier. Ceux qui aspirent à le diriger après 2027 n’échapperont pas aux questions auxquelles Emmanuel Macron peine à trouver des réponses.

Le Monde

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