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« Une politique protectionniste à l’endroit de la Chine pourrait nuire aux affaires des constructeurs automobiles occidentaux »

Le cargo Explorer-1 est entré, fin février, dans le port de Bremerhaven, en Allemagne, avec quelque 3 000 voitures électriques dans ses cales. Les photos du parking rempli de véhicules du constructeur chinois BYD ont fait les choux gras de la presse aux Etats-Unis, accompagnées de commentaires épouvantés. Selon Foreign Policy, l’accostage aurait inauguré une « nouvelle ère dans l’économie mondiale ». Le laboratoire d’idées Atlantic Council présentait ces voitures comme une menace pour l’économie, voire la sécurité nationale. Gina Raimondo, la secrétaire américaine au commerce, expliquait, de son côté, que ces voitures, équipées de caméras et de senseurs, pourraient espionner les installations militaires américaines pour le compte du gouvernement chinois. Dans la foulée, Joe Biden annonçait une taxe de 100 % sur les voitures électriques chinoises. Quant à la Commission européenne, elle dévoilait les premiers résultats d’une enquête sur les subventions publiques reçues par BYD et celles de son homologue britannique MG, laissant entrevoir un possible triplement des taxes (de 10 % à 30 %).

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Le plus intéressant, dans cette affaire, est le décalage entre la réaction des gouvernements et celle des constructeurs. En matière de commerce extérieur, ce sont, en général, les industriels qui demandent des protections douanières ; dans le cas présent, ce fut l’inverse, et l’on a pu entendre les dirigeants de Volkswagen et de BMW rappeler à la Commission européenne les vertus du libre-échange. Une politique protectionniste à l’endroit de la Chine pourrait nuire à leurs affaires. Premièrement, les voitures thermiques représentent encore plus de 60 % des voitures vendues en Chine et les marques allemandes auraient beaucoup à perdre si ce marché venait à se fermer.

Nouvel épisode de l’histoire

Deuxièmement, la Chine est certes devenue le premier exportateur de voitures dans le monde, mais l’Europe exporte toujours plus de voitures en Chine (24 milliards d’euros en 2022) que l’inverse (9,7 milliards). Quant aux accusations de surcapacités industrielles chinoises, il faut noter que l’Europe exporte une plus grande proportion de sa production automobile que la Chine. Troisièmement, une bonne partie des voitures électriques importées de Chine sont, en réalité, fabriquées par des entreprises occidentales installées là-bas. Enfin, pour ce qui concerne les Etats-Unis, la menace est franchement inexistante, la Chine n’y exportant presque aucune voiture…

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Plutôt qu’une « nouvelle ère dans l’économie mondiale », l’arrivée des voitures électriques chinoises n’est qu’un nouvel épisode de l’histoire séculaire de l’internationalisation du secteur automobile. Comme le racontent Patrick Fridenson et Kazuo Wada dans le chapitre consacré à l’automobile de l’ouvrage collectif The Routledge Companion to the Makers of Global Business (Routledge, 2020, non traduit), les pays industriels ont constamment poursuivi deux objectifs : protéger leurs constructeurs nationaux et encourager l’implantation d’industriels étrangers pour acquérir savoir-faire et capacités productives.

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