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Nouvelle-Calédonie : comment la crise du nickel aggrave les tensions politiques

Alors que l’état d’urgence a été levé lundi dans l’archipel, les émeutes contre l’élargissement du corps électoral, qui ont fait 7 morts entre le 14 et le 24 mai, ont entre autre accentué la crise de l’industrie du nickel, premier employeur de l’île, en difficulté depuis l’année dernière.

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Qu’elle semble loin cette époque où la Nouvelle-Calédonie négociait avec Tesla. En 2021, l’usine de transformation de nickel de Prony Resources, dans le sud de l’île, avait signé un partenariat avec le constructeur américain de voitures électriques pour la fourniture de 42 000 tonnes de nickel sur plusieurs années.

Aujourd’hui l’industrie du nickel, qui représente 90 % des exportations de l’archipel, est au point mort. Dans le nord, l’usine Koniambo Nickel (KNS) a été mise en sommeil le 1er mars. Le principal actionnaire, le groupe anglo-suisse Glencore, a jeté l’éponge après avoir accumulé les pertes. À Nouméa, la Société Le Nickel (SLN), filiale du géant minier Eramet, est proche de la cessation de paiement malgré un prêt de l’État de 60 millions d’euros en février dernier. Quant à Prony, elle cherche un repreneur et a également reçu un prêt de l’État de 140 millions d’euros en mars.

La Nouvelle-Calédonie possède pourtant un quart des ressources mondiales de ce minerai rare et indispensable à la confection d’alliages inoxydables et de batteries électriques. Mais l’industrie phare du Caillou a été confrontée à la chute du cours du nickel, qui a perdu 45 % de sa valeur en 2023. Au début de l’année dernière, la tonne de nickel se négociait autour de 28 000 dollars sur le LME (London Metal Exchange) contre environ 16 000 dollars en décembre. Toujours en 2023, l’industrie a aussi été fragilisée par l’OPA réalisée par l’Indonésie sur le secteur en parvenant à dominer 50 % de la production. Les trois usines métallurgiques de Nouvelle-Calédonie, lourdement endettées, sont désormais au bord de la faillite. 

Un coût de l’énergie trop élevé

« Le problème vient surtout de l’offre, explique Emmanuel Hache, économiste à IFP Énergies nouvelles et directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). L’Indonésie a fait passer sa production de 10 % du marché en 2017 à 50 % en 2024. Elle est devenue le faiseur de prix sur le marché ». 

En cause, le prix de l’énergie qui est largement défavorable à l’industrie de l’archipel : « Il y a un rapport de un à cinq entre l’Indonésie et la Nouvelle-Calédonie, surtout que dans le cas calédonien, les usines raffinent directement sur leur territoire, ce qui coûte très cher en énergie et empêche les produits d’être compétitifs », reprend l’économiste.

Certes, les tensions actuelles dans l’archipel ont pour origine la réforme contestée sur l’élargissement du corps électoral. Mais dans un territoire où l’industrie du nickel est le premier employeur, avec 20 à 25 % des salariés calédoniens, la crise économique est un facteur aggravant : « Si l’un des sites ferme, c’est tout de suite 1 700 emplois menacés, donc on passe d’une crise politique à une grave crise sociale, qui était déjà latente », précise Emmanuel Hache.

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À l’entrée de Nouméa, l’usine de pyrométallurgie de la SLN était même aux premières loges des affrontements entre émeutiers et forces de l’ordre qui se déroulaient à quelques centaines de mètres du site, tandis que toutes les mines du territoire sont à l’arrêt.

Un « pacte nickel » sans cesse repoussé

Face à cette menace constante, l’État a bien tenté d’intervenir. Depuis quatre mois, Bercy négocie avec le président du gouvernement local, ceux de province et les industriels, l’adoption d’un « pacte nickel », sorte de plan de sauvegarde destiné à redresser la filière. En contrepartie de 200 millions d’euros de subvention sur le coût de l’énergie, les usines s’engageraient à fournir en priorité le marché européen des batteries électriques. « On s’est rendu compte que cet actif était fondamental pour la France et l’Europe en matière de matériaux critiques », commente Emmanuel Hache. Mais les discussions sont au point mort depuis avril et le texte en est déjà à sa huitième version.

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Pour les indépendantistes, qui contrôlent notamment l’usine du nord de l’île, les engagements demandés à la Nouvelle-Calédonie (investissement des collectivités, mesures fiscales et réformes du code minier) sont jugés trop coûteux. Point d’affrontement majeur, la contribution attendue de l’archipel, à hauteur de 66,7 millions d’euros. Un coût trop important pour les indépendantistes, alors que le territoire était endetté à 153 % de son budget fin 2023, selon le gouvernement local.

Certains d’entre eux estiment aussi que ce pacte représenterait un pas en arrière par rapport à l’accord de Nouméa de 1998, qui avait transféré la compétence du nickel de Paris à la Nouvelle-Calédonie. En réaction, les élus du Congrès ont refusé d’autoriser le président de l’Assemblée de la province Nord, Louis Mapou, à signer le texte et demandé la création d’une commission ad hoc pour travailler sur les difficultés de la filière.

Avec AFP

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