Close

Les grands créanciers d’Altice font bloc face à Patrick Drahi

Le propriétaire d’Altice France, Patrick Drahi, à Paris, le 2 février 2022.

En les prévenant, le 20 mars, qu’ils ne reverraient peut-être pas la totalité de leur argent, Patrick Drahi, le propriétaire d’Altice France (SFR, BFM-TV) a déclenché les hostilités avec ses créanciers, à qui il doit 24 milliards d’euros. D’abord surpris et choqués par la soudaineté de la menace, ces porteurs de dette se sont depuis organisés pour se défendre. Plus de 150 d’entre eux ont signé, ces derniers jours, un « accord de coopération », a appris Le Monde.

Négocié avec l’aide de la banque Rothschild et du cabinet d’avocats Gibson Dunn, comme l’avait indiqué l’agence Bloomberg le 12 avril, cet accord, qui nécessitait de mobiliser suffisamment de participants avant d’être effectif, engage tous ses membres à agir d’une seule voix. « On n’accepte rien à titre individuel. Seule une majorité peut décider », analyse une source, sous couvert d’anonymat.

Ces 150 créanciers, essentiellement des fonds d’investissement américains, détiennent environ 80 % des 20 milliards d’euros de dette dite sécurisée d’Altice France, c’est-à-dire garantie par des actifs si elle venait à ne pas être remboursée. Ce niveau leur donne un pouvoir de négociation puissant : en ayant plus des deux tiers de la dette, soit la majorité requise en cas de procédure de restructuration financière, ils peuvent bloquer toute proposition qu’ils jugeraient contraire à leurs intérêts.

Et, si jamais Patrick Drahi ne leur remboursait pas les sommes dues, les créanciers réunis dans cet accord de coopération pourraient déclencher le nouveau dispositif dit de l’« application forcée interclasse ». Introduite en France par la transposition de la directive européenne réformant le droit des entreprises en difficulté en 2021, et utilisée pour la première fois en 2023 dans le dossier Orpea, cette règle permet aux créanciers d’évincer le ou les actionnaires en cas de défaut du paiement de la dette. « Cet accord de coopération est une façon de mettre Patrick Drahi face au droit et à ses obligations », souligne la même source, alors qu’Altice France doit rembourser 1,3 milliard d’euros de dette en 2025 et autant en 2026. L’année suivante, les échéances grimperont à près de 6 milliards.

« Chantage »

Ce type d’accord de coopération est fréquent aux Etats-Unis, où les relations entre actionnaires et créanciers, voire entre prêteurs eux-mêmes, sont souvent musclées. Cela permet d’éviter que chacun soit tenté de jouer son propre jeu ou d’accepter des conditions financières au détriment des autres. En revanche, c’est inédit pour une société française. L’évolution récente du droit en faveur des créanciers peut expliquer cet accord. Face à l’ampleur des sommes en jeu, les prêteurs avaient aussi tout intérêt à s’entendre, Patrick Drahi misant sur leur division pour garder la main.

Il vous reste 38.22% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

source

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 Comments
scroll to top