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Le cloporte rugueux, dernier invité au club des disperseurs de graines

Pince-oreilles (noirs) et cloportes (gris et blancs) autour d’une « plante fantôme », « Monotropastrum humile ».

A l’heure où les migrations humaines occupent tant de discours, tentons de déplacer la focale. Prenons les plantes. Pour elles, la lutte pour la survie passe par la dispersion des graines. Et, comme la nature est bien faite, elles se sont trouvé des alliés d’occasion : le vent, pour certaines ; les animaux, pour les autres.

Afin d’optimiser la première stratégie, l’évolution a favorisé des graines légères et des tiges hautes. Pour soutenir la seconde, elle a multiplié les techniques. La bardane s’est ainsi trouvée parée de crochets qui permettent aux graines de voyager sur les plumes ou les poils des visiteurs. La violette sauvage a muni ces mêmes graines d’un appendice lipidique dont raffolent les fourmis. Je te nourris, tu me disperses…

Enfin, beaucoup de plantes dissimulent noyaux et pépins dans des fruits particulièrement attractifs tant par leur couleur que par leur texture charnue et leur goût sucré. Ainsi, quand les cerises disparaissent sous les coups de bec, ce n’est pas seulement pour satisfaire l’appétit des piafs (et ruiner les espoirs des jardiniers), c’est aussi parce que ces pirates ailés évacuent dans leurs fientes les graines non digérées. Un service rendu que les scientifiques ont baptisé « endozoochorie ». Nombre d’oiseaux s’y adonnent, on l’a compris, mais aussi des mammifères de toute taille, chauve-souris, martre, renard, chevreuil, ours, éléphant.

Le professeur de biologie Kenji Suetsugu s’intéresse moins à ces bêtes familières qu’aux espèces négligées, « celles dont le rôle est souvent oublié, particulièrement les petits insectes ». Une histoire de caractère, sans doute. En tout cas, lorsque le chercheur de l’université de Kobé (Japon) s’est aperçu que leur rôle dispersif n’était que très peu étudié, il a décidé de s’y consacrer. Bien lui en a pris. Dans un article publié le 8 mai dans la revue Plants People Planet, il vient d’établir un nouveau record, celui du plus petit animal disperseur de graines ingérées.

L’importance de l’observation naturaliste

Le végétal concerné se nomme Monotropastrum humile. Une étrangeté au joli surnom de « plante fantôme », dépourvue de racines et qui ne connaît pas la photosynthèse. Son énergie, elle la trouve dans les champignons sur lesquels elle pousse. Installée au ras du sol, avec peu d’emprise au vent et dépourvue de fruits capables d’attirer mammifères et oiseaux, comment pouvait-elle bien disperser ses graines ?

De précédents chercheurs avaient désigné les principaux responsables : des sauterelles cavernicoles du genre Diestrammena. Mais Kenji Suetsugu a voulu creuser. Il a installé ses caméras autour des filaments blancs de M. humile. Il y a vu les fameuses sauterelles se régaler des graines mais aussi de bien plus petits prédateurs : des cloportes et des pince-oreilles.

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